Les partenaires sociaux se sont entendus dans la nuit de mercredi à jeudi pour la signature, d'ici au 8 janvier, d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail. Tour d'horizon des principales mesures de l'accord.
Les partenaires sociaux sont tombés d'accord dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 décembre pour signer un accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail, après que la CFDT, FO et la CFE-CGC, ont donné leur avis favorable. Il s'agit du premier texte sur la santé au travail depuis treize ans. «Cet accord est novateur avec comme colonne vertébrale la prévention, il comptera dans l'histoire de la santé au travail», a déclaré Diane Deperrois, cheffe de file des négociateurs pour le Medef.
Ces trois avis favorables représentent une majorité large, compte tenu de la représentativité nationale des organisations syndicales qui les portent. La CFE-CGC a donné son accord «en tant que négociatrice», laissant à ses instances confédérales le soin de le valider. La CFTC s'est réservée tandis que la CGT a donné un avis défavorable. D'après cette dernière, le texte entérine «de nouveaux reculs en matière de santé et sécurité». De son côté, la CPME sursoit à son accord dans l'immédiat, se «réservant quelques jours», a expliqué Diane Deperrois, qui a précisé que les parties avaient jusqu'au 8 janvier pour signer formellement le texte. Parallèlement à cet ANI, une proposition de loi, portée par la députée LREM Charlotte Lecocq, pourrait être déposée à l'Assemblée d'ici la fin de l'année.
La prévention primaire
La prévention primaire, qui concerne les actions concrètes mises en oeuvre dans les entreprises pour lutter contre les risques professionnels, doit «s'attaquer en amont aux causes profondes des risques avant qu'ils ne produisent leurs effets», être «centrée sur les réalités du travail pour préserver la santé et lutter contre la désinsertion professionnelle». Le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) reste l'outil essentiel d'évaluation des risques professionnels et de la traçabilité des expositions.
La responsabilité de l'employeur
Le code du travail prévoit que l'employeur a l'obligation de mettre en oeuvre les moyens pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés. A défaut, sa responsabilité civile et pénale peuvent être engagées. L'ANI précise que les employeurs «sont incités (...) à développer des actions de prévention». Il rappelle néanmoins que «la jurisprudence a admis qu'un employeur et ses délégataires pouvaient être considérés comme ayant rempli leurs obligations s'ils ont mis en oeuvre les actions de prévention».
Les risques professionnels
Sont listés les risques dits «classiques» : physiques, chimiques, biologiques, d'accidents, liés aux contraintes de situations de travail. L'usure professionnelle, les risques émergents (nouvelles technologies, nanoparticules, qui font l'objet de recherches pour évaluer leur dangerosité), les troubles musculo-squelettiques (TMS). En matière de risque chimique, l'accord défend notamment une meilleure traçabilité afin d'évaluer la polyexposition des salariés et de «repérer» ceux devant faire l'objet d'un suivi post professionnel. Sont aussi évoqués très brièvement, «d'autres risques extérieurs» comme les risques «sanitaires ou environnementaux» pouvant «venir percuter l'activité de l'entreprise» et pour lesquels «les consignes de crise des pouvoirs publics (prennent) le relais de la réglementation ordinaire».
Les risques psychosociaux
Définis comme l'ensemble des facteurs de risque de stress au travail pouvant notamment entraîner le burn-out, la dépression, le suicide, l'accord souligne que les RPS ont des «causes multiples». L'employeur «se doit d'évaluer et de mettre en place les actions de prévention» dans l'activité professionnelle et de «respecter strictement la vie privée du salarié». L'évaluation et l'analyse des organisations de travail est à peine évoquée sauf à prendre en compte «les changements» qui peuvent intervenir rapidement dans l'entreprise (méthodes de travail, changement des techniques, modification des fonctions manageriales...) et «susciter certains risques», non spécifiés.
La qualité de vie au travail
La qualité de vie au travail (QVT), pour laquelle un ANI a été signé en 2013, devient la Qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), faisant partie des thématiques de négociations obligatoires prévues par le code du travail. Ses objectifs doivent porter sur l'articulation des sphères de vie, les conditions d'exercice du travail (management, moyens, relations interpersonnelles et collectifs du travail), l'utilité et le sens du travail, ses transformations rapides, la conduite du changement, la mobilisation de modalités d'organisation du travail tel que le télétravail, ainsi que l'expression des salariés et leur participation dans le champ de la santé au travail.
La création de commission au sein des branches
La création d'une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail au sein des branches professionnelles est proposée. De même, la création d'une commission sécurité et santé au travail est suggérée dans les entreprises de moins de 300 salariés, dans le cadre du CSE.
La médecine du travail
Pour faire face à la pénurie de médecins du travail (moins de 5000 professionnels dont nombreux proches de la retraite), l'accord prévoit de confier partiellement leurs missions à des médecins généralistes volontaires, après une formation idoine.
La prévention de la désinsertion professionnelle
L'ANI cible le maintien en emploi d'un salarié dont la santé a été altérée, ce qui constitue une grande part de l'activité quotidienne des médecins du travail. Il instaure des «cellules dédiées» au sein des services de santé ainsi qu'une visite médicale de mi-carrière. Selon le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) chaque année environ 80.000 salariés sont déclarés inaptes par le médecin du travail et licenciés.
Les services de prévention et de santé au travail
Autonomes (SST) ou interentreprises (SSTI), les services de santé au travail deviennent services de prévention et de santé au travail (SPST). Ce sont des prestataires de service dirigés par les employeurs qui sont obligés d'y adhérer par le biais d'une cotisation d'une centaine d'euros par salarié et par an. L'accord propose d'en améliorer la coordination, le maillage territorial et les missions de l'ensemble des acteurs de la santé au travail qui comprennent également un très grand nombre d'acteurs institutionnels. Une «offre socle» de services «labellisée» doit permettre de lutter contre l'hétérogénéité de ces services.
Publié le 11 décembre 2020
Source : Le Figaro avec AFP
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