L’exposome est un terme nouveau qui désigne l’intégration de l’ensemble des expositions nocives environnementales, comportementales et professionnelles auquel est soumis un individu tout au long de son existence.
L’exposome est un terme nouveau qui désigne l’intégration de l’ensemble des expositions nocives environnementales, comportementales et professionnelles auquel est soumis un individu tout au long de son existence : ce concept d’exposome permet d’identifier et d’évaluer les risques potentiels pour la santé, pour mieux les prévenir au plan individuel et pour diminuer les dépenses sanitaires au plan collectif.
Cette notion d’exposome est apparue récemment suite au constat que les affections chroniques (respiratoires, cutanées, cancéreuses, allergiques, dysfonctionnements hormonaux, baisse de la fertilité ...) étaient croissantes et qu’à la susceptibilité individuelle différenciée par des composantes génétiques (génome), s’ajoutaient les influences essentielles liées aux expositions de toute sorte, physiques, chimiques, radiologiques, acoustiques, biologiques, psychologiques ... (exposome) : d’où la nécessité de recherches et de mesures pour bien repérer les caractéristiques des expositions pathogènes (durée/intensité...), à la fois professionnelles et extraprofessionnelles. Cela autorise des politiques gouvernementales de prévention sur les expositions considérées comme responsables d’une part considérable des maladies chroniques, des campagnes de prévention sur les sujets ou les secteurs prioritaires qui permettent, dans le cadre professionnel, une prise de conscience primordiale des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants.
Ce concept d’exposome nécessitera encore toutefois de nombreux développements méthodologiques dans l'évaluation et la traçabilité des expositions avant de devenir pleinement opérationnel.
Les relations causales entre maladies et facteurs d’environnement
La santé humaine dépend de deux grandes composantes, reliées l’une à l’autre : le génome lié au caractère génétique de l’individu acquis dès sa conception et l’exposome lié à l’environnement dans lequel il vit et a vécu, c'est-à-dire aux conditions de vie et de travail durant son existence toute entière depuis sa conception : à la différence du génome qui est potentiellement connu et constant, l’exposome est très difficilement connu avec précision et évolutif.
La nouveauté de la notion d’exposome est de faire le lien entre une approche par conditions de vie et une approche par pathologie.
L'environnement est une source multifactorielle d'expositions où des nuisances d’origine naturelle ou industrielle dans l’air, l’eau, l’alimentation ... mais aussi dans un contexte psychologique (stress ...), social (hygiène, addictions ...), technologique (radiations ...), interagissent pour produire des effets néfastes sur la santé.
Ces ambiances environnementales dangereuses, de nature physique, chimique, biologique, radiologique ou psychologique, agissent sur les risques en augmentant la fréquence ou la gravité de phénomènes aux effets néfastes en créant un environnement malsain : si pour les effets toxiques aigus, le rapport de causalité est clairement identifié et assez facilement mesurable et corrigible, il n’en est pas de même pour les effets chroniques qu’il est beaucoup plus malaisé de cerner avec précision et à prévenir.
C’est ainsi qu’il est désormais acquis que le rôle des contaminants environnementaux dans les processus de cancérisation a été largement sous-estimé (par exemple pour les pesticides).
En excluant la composante génétique, de nombreuses affections chroniques sont à la fois liées à des facteurs environnementaux domestiques et extraprofessionnels (pollutions diverses), comportementaux (tabagisme et autres addictions, nutrition, bronzage), et enfin professionnels (produits chimiques, poussières, fibres, radiations ...) : il est donc souvent difficile d'évaluer précisément la part d’une maladie ayant strictement une origine professionnelle, c'est-à-dire la conséquence directe et unique de l'exposition d'un travailleur à un risque professionnel, et de plus, les facteurs de risque liés au travail sont souvent incertains.
Toutefois, on peut absolument prouver que certains travaux sont directement impliqués dans la survenue d’un cancer, d’une allergie ou d’une pneumopathie d’origine professionnelle : il s’agit de cas de formes de cancers survenant avec une fréquence inhabituelle : cancer du foie (angiosarcome) et chlorure de vinyle, cancer du poumon (mésothéliome) et amiante, cancer des fosses nasales (adénocarcinomes de l'ethmoïde) et poussières du bois, fibrose pour les poussières de silice, saturnisme pour le plomb ...
En fait, de très nombreuses autres activités et expositions professionnelles comportent des risques réels de survenue de maladies professionnelles chroniques qui sont moins totalement spécifiques d’une forme de pathologie ou moins bien connus.
Ainsi, évaluer la fraction imputable au facteur génétique ou environnemental professionnel ou extraprofessionnel pour certaines pathologies chroniques est souvent délicat et controversé car ces facteurs sont rarement uniques et difficiles à mettre en évidence pour plusieurs raisons : exposition à une multitude de substances parfois mal connues et aux effets combinés, effets sur la santé à long terme, ...
Les facteurs environnementaux qui conditionnent l’exposome sont nombreux :
- physiques : bruit, chaleur, froid, vibration, lumière ...
- chimiques : solides (particules et poussières), liquides (dont les brouillards), gaz (dont les vapeurs) et mixtes (fumées)
- biologiques : bactéries, virus, champignons
- psychologiques : stress, addictions
- radiologiques : rayons Ultraviolets, Infrarouges, X, Gamma, champs électromagnétiques
- sociales ou socio-économiques : nutrition, accès aux soins et à la prévention, travail de nuit, intérimaire, saisonnier ...
L’exposome chimique professionnel
L’utilisation de produits chimiques sans cesse plus nombreux dans tous les secteurs industriels, artisanaux, agricoles, expose la plupart des travailleurs à des risques de toxicité chronique (en dehors de l’intoxication aigue évidente), par voie respiratoire, cutanée ou digestive.
L’exposition aux produits chimiques a beaucoup progressé dans la plupart des secteurs (BTP, agriculture et industrie), dont les solvants, les détergents et désinfectants, les gaz d’échappement, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les nanomatériaux ... Ces agents chimiques toxiques, allergènes et cancérogènes, dangereux à long terme, concernent de nombreux salariés aussi bien dans les secteurs agricoles, industriels que ceux des services et ces produits se retrouvent dans l’air, les eaux et les aliments.
Selon la nature des activités professionnelles et des comportements d’hygiène au travail, les travailleurs peuvent être exposés aux produits chimiques par plusieurs voies d'accès :
- inhalation par voie respiratoire jusqu’aux alvéoles pulmonaires,
- contact cutané et pénétration plus ou moins profonde à travers l’épiderme et le derme,
- ingestion par voie orale et déglutition.
On utilise près de 100000 produits chimiques sur les lieux de travail et ce nombre croit sans cesse (pesticides, solvants, ...). Un nombre très réduit d’entre eux a fait l’objet de tests complets pour détecter leurs risques cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou allergènes. Pour les agents cancérogènes, mutagènes et allergènes, le seuil de toxicité est très difficile à déterminer, et pour certains d’entre eux, il se peut qu’il n'existe pas de dose subtoxique. Par ailleurs, la réaction individuelle à ces produits peut être très variable selon les personnes : les composantes génétiques, l'état général de santé, l’âge, le sexe, la grossesse sont des facteurs qui influencent beaucoup l'action des toxiques. Enfin, en milieu de travail, l’exposition concomitante à plusieurs produits chimiques peut provoquer des interactions toxicologiques qui sont susceptibles de potentialiser les effets toxiques de chaque substance ; c’est aussi le cas pour les comportements individuels (tabagisme, alcoolisme ...) qui viennent aggraver les effets des expositions professionnelles.
- De très nombreuses autres activités et expositions professionnelles comportent des risques réels de survenue de cancers professionnels.
Un certain nombre de cancers et de localisations sont reconnus comme maladies professionnelles indemnisables parce que les analyses épidémiologiques et toxicologiques attestent une présomption d’imputabilité manifeste (2000 cas par an environ).
Du fait de la difficulté de l'établissement certain du lien entre exposition à un risque professionnel et l’apparition d’un cancer professionnel, du nombre d’années écoulées entre le moment où apparaît la maladie et celle de l’exposition au risque, la plupart des différentes études estiment que cette reconnaissance est très insuffisante avec un sous diagnostic d’étiologies professionnelles évident : la part des cancers professionnels est estimée à environ 12 000 nouveaux cas par an entraînant 7 000 morts, et c’est une évaluation basse pour de nombreux experts. De 5 à 10 % des cancers auraient une origine professionnelle et pour certains cancers, cette proportion dépasse même très nettement la barre des 10 % comme les cancers du poumon ou de la vessie.
En matière d’exposition, l’enquête SUMER du Ministère du travail (2003) révèle que plus de 2 millions de salariés sont exposés au risque cancérogène en entreprise soit plus d’un salarié sur dix. L'intensité de l'exposition est estimée forte dans 15 % des cas et dans 39 % des expositions, il n’y a aucune protection collective !
- L’allergie est une maladie professionnelle ou le salarié est sensibilisé de façon spécifique à un agent chimique particulier : les molécules allergènes responsables sont très nombreuses et se sont considérablement accrues et modifiées depuis plusieurs années. Les allergies occupent une place importante au sein de la pathologie professionnelle, de plus beaucoup ne sont pas déclarées par les salariés, par crainte de perdre leur emploi et d'être obligés de se reconvertir.
Les atteintes allergiques rencontrées le plus souvent au niveau professionnel sont les allergies cutanées (eczéma et urticaire) et les allergies respiratoires (rhinite et asthme) : le personnel de santé (latex, produits d’asepsie...), les ouvriers du bâtiment (peinture, colles...), les employés de la coiffure (produits de coloration), les ouvriers de l'industrie des matières plastiques, caoutchouc et des résines, les agriculteurs (produits phytosanitaires, ...) etc.
- L’inhalation d’agents nocifs entraine des conséquences variées pour les voies respiratoires et le parenchyme pulmonaire. Ces conséquences sont liées non seulement aux substances toxiques elles-mêmes, mais aussi à leur concentration, la taille des particules de poussière, la profondeur de l’atteinte dans les voies respiratoires, et aux facteurs individuels : sensibilité particulière génétique, état préexistant des muqueuses bronchiques (en particulier à cause du tabagisme). Certaines maladies se déclenchent rapidement, d’autres se manifestent longtemps après les expositions.
- Certaines particules très fines réussissent à traverser la cavité nasale et à s'attaquer à la trachée et aux poumons, ou elles engendrent une inflammation des muqueuses de la trachée ou des bronches. Leur action est alors une irritation ressentie au niveau des voies respiratoires moyennes, trachée et bronches (laines d’isolation, farines, poudres décolorantes aux persulfates alcalins ...), qui peut causer une pneumopathie chronique et de l’asthme, qui est la maladie respiratoire professionnelle la plus fréquente.
- Les particules les plus fines de diamètre inférieur à 5 µm (fibres céramiques réfractaires, amiante, silice cristalline...) peuvent pénétrer profondément dans l’arbre respiratoire, atteindre toutes les voies respiratoires basses, les alvéoles pulmonaires et les cellules des bronches, et s’y accumuler. En séjournant longtemps dans le tissu pulmonaire, elles engendrent une inflammation des muqueuses pulmonaires, la formation d'un tissu pulmonaire fibreux ou cicatriciel (entrainant une insuffisance respiratoire), des atteintes de la plèvre (épanchement et plaques pleurales) et peuvent perturber les divisions cellulaires et provoquer des modifications chromosomiques.
L’inhalation fréquente et excessive de poussières très fines peut causer une pneumoconiose (sidérose pour les poussières de fer ou d’oxyde de fer lors des travaux de soudage...). La quantité de poussière et les types de particules en cause influent sur la gravité des lésions pulmonaires : la formation d'un tissu fibreux ou cicatriciel peut porter atteinte à la fonction pulmonaire et donne lieu à une affection appelée fibrose (silicose pour les poussières de silice, ...). Quant à l’amiante, lorsque ses fibres en suspension dans l'air sont inhalées, elle peut se déposer dans le tissu pulmonaire et l'enveloppe du poumon et à long terme, peut provoquer des inflammations (asbestose) ou le cancer du poumon ou de la plèvre (mésothéliome).
L’intoxication de l’organisme par inhalation de métaux lourds (plomb, cadmium...) et de certains de leurs composés (oxydes notamment), provenant du dégagement de fumées, cause non seulement des dommages aux poumons en cas d'exposition chronique, mais aussi ces toxiques peuvent passer dans le sang par fixation sur les globules rouges avant d'être stocké dans l'organisme dans le foie, les reins, le cerveau et dans les tissus osseux, entrainant anémies, neurasthénies, insuffisances rénales ...
L'intoxication au plomb, ou saturnisme, est l'une des plus vieilles maladies professionnelles connues (avec les cancers des suies de ramonage et la silicose). - Les gaz d'échappement des moteurs thermiques, les fumées de bitume contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont du benzène et du benzopyrène cancérogènes, qui agissent sur le système nerveux et provoquent des affections respiratoires chroniques fréquentes.
- Les composés organiques volatils (COV) sont des substances qui se caractérisent par leur grande volatilité, c'est-à-dire qu’ils émettent des vapeurs même à pression et température ordinaire de travail, et donc se répandent aisément sous forme gazeuse dans l’air ambiant des ateliers, bureaux ou dans l'atmosphère extérieure environnante. Les COV sont très nombreux (solvants, carburants...) et proviennent des hydrocarbures et de leurs dérivés chimiques : le formaldéhyde et l’acétone, le styrène, les aldéhydes, le trichloréthylène, le perchloréthylène... Les COV sont utilisés dans de multiples secteurs professionnels, les lieux de production, de stockage et de distribution d’hydrocarbures et particulièrement dans les procédés industriels utilisant des solvants (peintures, colles, vernis, encres, traitements de surface, dégraissage, nettoyage à sec, caoutchouc ...), ou sont utilisés dans de très nombreux produits pour leurs propriétés intrinsèques (gaz propulseurs, carburants, bactéricides, ...).
Certains COV sont cancérigènes, d’autres toxiques pour la reproduction ou mutagènes. - De nombreux travailleurs agricoles, horticoles et d’entretien des espaces verts, des voiries et des bâtiments utilisent des pesticides (fongicides, insecticides, herbicides, raticides ...) de façon intensive et prolongée.
L’utilisation des pesticides, produits phytosanitaires pour la protection des récoltes ou produits contre les parasites, fréquente et massive, par épandage ou pulvérisation, présentent des risques importants pour la santé des travailleurs exposés et pour l’environnement.
Les risques d’intoxication chronique aux pesticides résultent d’une exposition fréquente et prolongée à des doses faibles. Ils peuvent provoquer des troubles du système nerveux, des effets cancérigènes et mutagènes, et des perturbations endocriniennes : les risques induits par l'exposition directe et/ou indirecte aux pesticides ont des effets marquants sur la fréquence de certains cancers, les maladies neuro-dégénératives et le développement fœtal.
- La toxicité cutanée générale provoquée par certains liquides (produits phytosanitaires, solvants) qui sont susceptibles de traverser la peau, puis de passer dans le sang pour se fixer sur certains organes (foie, rate...) ou tissus (nerveux, graisseux) et aboutir, par conséquent, à des intoxications chroniques (troubles neurologiques, circulatoires, respiratoires, sanguins, digestifs, rénaux...).
- Des perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques utilisées très couramment (dans les détergents, matières plastiques, cosmétiques, textiles, peintures, colles, conservateurs, pesticides, emballages ...) qui ont des effets néfastes sur le système hormonal, en perturbant le bon fonctionnement des glandes endocrines. Il y a un risque environnemental diffus pour toute la population, mais les caractéristiques de l’exposition professionnelle (dose, fréquence et durée) induisent des risques largement majorés pour certains métiers en contact avec des médicaments, solvants, pesticides, métaux dans les industries chimiques, pharmaceutiques, cosmétiques, plasturgiques, ... et dans le secteur agricole. Les perturbateurs endocriniens sont reprotoxiques, déséquilibrent le métabolisme, et sont suspectés de favoriser le développement de cancers hormono-dépendants.
- L’utilisation croissante des nanomatériaux, substances infiniment petites issues des nanotechnologies, génère de nouveaux risques professionnels encore méconnus faute de données suffisantes et d’études probantes pour détecter leurs caractères pathogènes spécifiques. Les risques occasionnés par ces nouvelles nanotechnologies ou ces nouveaux nanoproduits proviennent en particulier du fait que leur utilisation se propage rapidement dans les industries du monde entier sans que leurs effets nocifs ou toxiques aient pu être bien évalués, notamment pour leur impact à long terme sur la santé des travailleurs : cela nécessite donc une vigilance et des précautions accrues, alors que l'exposition à ces nanomatériaux s’accroit fortement et que la dangerosité potentielle de certains d'entre eux est probable.
L’exposome radiologique professionnel
- Les rayons ultra-violets
Les nombreux travailleurs exerçant à l’extérieur (secteurs du BTP, de l’agriculture, des stations balnéaires ou de sports d'hiver ...) sont exposés au rayonnement solaire et à ses rayons ultraviolets (UV), de même que ceux exerçant en intérieur (imprimerie, soudage, désinfection, photothérapie...) qui sont exposés au rayonnement UV généré par des sources artificielles.
L'exposition professionnelle intense et/ou prolongée aux UV génère des risques cutanés (brûlures, cancers ...) et oculaires (conjonctivites, cataractes...).
Ces risques peuvent être majorés par la co-exposition à certains produits chimiques sensibilisant la peau (photosensibilisation) ou par la prise de médicaments.
- Les radiations ionisantes
L’utilisation de rayons X ou Gamma, qui sont des radiations ionisantes qui peuvent traverser le corps et ont des effets très nocifs sur la santé pour des durées d'exposition longues ou répétées et/ou pour de fortes intensités (atteintes cutanées, ophtalmologiques, hématologiques, cellulaires pouvant provoquer des cancers, des malformations fœtales) est en constante progression, non seulement dans les applications médicales et scientifiques, mais aussi de plus en plus dans les utilisations industrielles accroissant ainsi beaucoup le nombre de travailleurs potentiellement exposés.
Les principales applications des rayons X concernent les utilisations médicales (radiodiagnostic et radiothérapie), industrielles (contrôle non destructif, radiométallographie) et scientifiques (laboratoires) et le nombre d’équipements générateurs de rayons X est en constante augmentation : le secteur de la santé a le plus grand nombre de travailleurs potentiellement exposés ; le secteur industriel vient ensuite avec la radiométallographie des pièces métalliques, le soudage par bombardement électronique, les détecteurs rayons X qui permettent la recherche de toutes les non-conformités dans le domaine alimentaire (défauts de remplissage, produits cassés, corps étrangers ...), l'utilisation des dispositifs à rayons X pour l'inspection des bagages et le contrôle des cargaisons... Certains appareils sont portatifs pour être utilisés sur un site de travail temporaire (oléoducs, ponts, tuyauteries, coques de navires, ailes d’avion...) ou les conditions de travail difficiles et les manipulations fréquentes de sources intenses de rayonnement X constituent un danger potentiel d'irradiation supérieur.
Des activités de plus en nombreuses utilisent des sources radioactives émettant des rayons Gamma pour profiter de leurs propriétés de pénétration et d’ionisation de la matière, dans la médecine, l’industrie, l’agronomie, et beaucoup de secteurs de recherche scientifique, et soumettent ainsi leurs travailleurs à une exposition professionnelle éventuelle : les applications médicales comprennent la radiochirurgie aux rayons Gamma, l’imagerie médicale, l’analyse biologique avec des radio-marqueurs ; les applications industrielles utilisent des sources de rayons Gamma pour faire des tests non destructifs sur des pièces métalliques, pour contrôler des épaisseurs et des niveaux, pour stériliser des aliments, pour effectuer de la chimie sous rayonnement ... Enfin, il faut citer bien entendu les dangers spécifiques de l’émission de rayons Gamma par l’industrie de l’énergie électronucléaire (centrales, traitement et stockage des déchets nucléaires). De nombreuses installations fixes ou appareillages mobiles sur des chantiers, utilisent de plus en plus les propriétés des matières radioactives émettant des rayons Gamma.
Toutes les radiations subies s’ajoutent et se cumulent tout au long de la vie. Si les risques immédiats (radiodermites, anémie, syndrome hémorragique, cataracte, diminution de la fertilité ...) liés à une irradiation aiguë correspondant à une forte dose reçue, sont graves mais patents, les effets liés à l'accumulation des doses sur plusieurs irradiations successive se manifestent de façon aléatoire par des risques tardifs (cancers radio-induits dont les ceux de la thyroïde, les sarcomes osseux, les leucémies,... et possiblement malformations dans la descendance).
Les rayons X sont produits de façon artificielle par des appareils générateurs de rayons X qui n’émettent un rayonnement que lorsqu’ils sont sous tension (il suffit d’interrompre l’alimentation en courant électrique pour suspendre le flux), tandis que les rayons Gamma sont produits par une source radioactive sur laquelle on ne peut pas agir et qui émet en permanence des rayonnements ionisants en obéissant seulement à une loi de lente décroissance dans le temps, ce qui caractérise leur extrême dangerosité. Les rayons Gamma sont aussi encore plus dangereux que les rayons X du fait de leur portée et de leur pouvoir de pénétration beaucoup plus grands.
Les femmes enceintes et les très jeunes travailleurs sont les personnes les plus sensibles aux risques des rayons ionisants.
- Les champs électromagnétiques
Les procédés récents de certaines installations industrielles peuvent générer un champ électromagnétique d’une forte intensité (soudeuses haute fréquence, fours à induction, imagerie par résonnance magnétique ...), et certaines activités professionnelles impliquent une exposition à des niveaux très supérieurs aux expositions générales avec le développement considérable des télécommunications (travaux à proximité d'antennes relais...), ce qui nécessite de déterminer et d’évaluer les risques potentiels pour la santé des travailleurs exposés.
Les effets biologiques observés dépendent de la fréquence et de la puissance du champ électromagnétique : ce sont des effets thermiques d’augmentation de la température des tissus pour les champs de haute fréquence (radars, antennes de la télécommunication, téléphone portable), des courants induits dans le corps humain qui perturbe le système nerveux ou cardiaque dans le cas des champs électromagnétiques de basse fréquence (équipements et appareillages électriques, lignes à haute tension).
A part certains employés qui possèdent des dispositifs médicaux implantés qui sont particulièrement exposés à leur dysfonctionnement (stimulateur cardiaque...) et les rares expositions longues et de fortes intensités pouvant provoquer des brûlures, les experts n’identifient à ce jour pas d’autres effets directs pathologiques significatifs à court terme, hormis ceux émanant de la sensibilité de chacun (nausées, vertiges, palpitations, effets visuels et nerveux) qui seraient en partie de cause psychologique.
Aucun effet à long terme n’est avéré avec certitude à ce jour, et de nombreux travaux sont en cours pour évaluer l’éventuelle nocivité d’une exposition professionnelle continue aux champs électromagnétiques (risques de cancers et pour les fœtus ?).
- La lumière des diodes électroluminescentes
Les impacts visuels de la lumière HEV (Haute Énergie Visible) ou « lumière bleue » diffusée par de nombreuses sources de lumières artificielles des LED (Light Emitting Diode) sont nocifs pour les yeux lors d’expositions fréquentes et prolongées : or, téléviseurs, écrans d’ordinateur, et surtout ampoules LED d’éclairage à basse consommation des locaux professionnels ou commerciaux ... émettent des rayonnements de lumière bleue intenses, et de nombreux travailleurs y sont exposés toute la journée.
Les risques professionnels oculaires les plus préoccupants des diodes électroluminescentes sont relatifs à leur effet toxique sur le cristallin et la rétine, ce qui peut progressivement provoquer un vieillissement précoce de l'œil et en particulier l’aggravation de la survenue à long terme de cataractes, de dégénérescences maculaires liées à l’âge (DMLA) et de glaucomes.
L’exposome physique professionnel
- Les ambiances sonores dangereuses
Les méfaits du bruit dans la vie professionnelle, sont trop souvent méconnus et négligés. Pourtant les conséquences peuvent être graves et irréversibles.
Les nuisances sonores ont pour conséquences les effets auditifs comme la surdité avec déficit auditif temporaire ou définitif, les acouphènes, mais également non auditifs comme les impacts sur la fatigue et le stress.
Il convient d’être vigilant, car l’exposition à des niveaux sonores excessifs peut entraîner des lésions définitives du système auditif. En dehors des atteintes au système auditif, le bruit ambiant peut entraîner une gêne ou un stress vecteur de troubles et de pathologies qui nuisent non seulement à la santé du travailleur mais aussi à la productivité de son travail par baisse de vigilance et de dextérité ou de concentration. Les nuisances sonores ont les deux effets principaux suivants :
&bul; Effets sur les organes de l’ouïe (effets auditifs), par lésions auditives dues au bruit.
• Effets sur l’organisme en général (effets extra-auditifs). Les effets extra-auditifs concernent le bien-être, en particulier le système nerveux central (troubles du sommeil, etc.), le psychisme (rendement, concentration, nervosité, agressivité, etc.) et le système neurovégétatif (pression artérielle, irrigation sanguine, fréquence cardiaque, système digestif, métabolisme, « réactions de stress », etc.).
La surdité liée à une exposition chronique au bruit (maladie professionnelle), d'installation insidieuse dans une ambiance constamment bruyante : l'exposition prolongée à des niveaux de bruits intenses détruit peu à peu les cellules ciliées de l'oreille interne (altération cochléaire) et de façon irréversible.
La surdité professionnelle liée à des bruits lésionnels répétés évolue en quatre stades :
• stade de surdité latente, déficit auditif initial non perçu par le travailleur ;
• stade de surdité débutante, les fréquences aiguës sont atteintes ;
• stade de surdité confirmée, le déficit auditif atteint toutes les fréquences ;
• stade de surdité sévère, déficit de perception auditive grave, bilatérale et symétrique.
- Les ambiances vibratoires dangereuses
Les expositions des travailleurs aux vibrations entrainent des troubles ostéoarticulaires, neuropathiques et vasculaires très fréquents.
Les atteintes pathologiques concernent principalement les membres supérieurs et la colonne vertébrale, par transmission des vibrations au bras ou au corps entier.
Les utilisations de machines-outils portatives vibrantes ou percutantes sont à l’origine d’effets pathologiques sur le membre supérieur (main, coude, épaule), tandis que la conduite d’engins par transmission des vibrations au corps entier affecte surtout la colonne vertébrale.
Les principales situations de travail concernées sont les suivantes :
• Les utilisations d’outils à main vibrants ou pneumatiques (marteaux-piqueurs, perforateurs, tronçonneuses, ponceuses, meuleuses, brise-bétons, clés à choc ...), dans de nombreux métiers du BTP, de la mécanique, de la métallurgie ou du travail forestier et de la menuiserie.
• La conduite de véhicules de transport de personnes ou de marchandises, d’engins de manutention, de chantier ou de terrassement (chariots automoteur, tracteurs, tractopelles, niveleuses, bouteurs, compacteurs...).
• Les utilisations de certaines machines industrielles fixes : tables vibrantes, concasseurs, cribles, machines à coudre...
Les propriétés physiques des vibrations sont définies par leur fréquence, amplitude et accélération :
• La fréquence des vibrations transmises au corps ont des effets physiologiques différents selon qu’il s’agit de hautes (>50 Hertz) ou de basses fréquences (<50 Hertz). Les basses fréquences ont plus d’impacts néfastes sur les tendons, cartilages et articulations car elles sont transmises tout le long du bras ou dans l’ensemble du corps, alors que les hautes fréquences provoquent plutôt des troubles neuropathiques (atteintes des terminaisons nerveuses) et des altérations des mécanismes vasorégulateurs.
Le risque total dépend de tous ces facteurs en instantané, mais aussi de la totalité de la dose vibratoire reçue au cours de la journée de travail et de la vie professionnelle.
L’exposome biologique professionnel
Les travailleurs susceptibles d’être exposés au risque biologique sont de plus en plus nombreux et les secteurs d’activité concernés très variés. Sauf pour les secteurs de la santé au sens large (laboratoires de recherche et d’analyses, industrie pharmaceutique, établissements de soins ...) ou ce risque est bien pris en compte, ce risque reste assez peu connu de la majorité des salariés susceptibles d'être exposés et de leurs entreprises.
Par exemple, les professions agricoles sont particulièrement exposées car les risques biologiques liés au contact avec les animaux sont importants. Il en est de même pour les ouvriers des stations d’épuration car les eaux usées véhiculent de nombreux micro-organismes, les laveries ou blanchisseries industrielles ou le contact avec le linge souillé peut se révéler contaminant etc.... C’est aussi le cas du secteur de la restauration collective, des industries agro-alimentaires, des abattoirs pour lesquels les risques représentent des enjeux majeurs de santé publique.
En dehors des cas de contamination massive et d’infection aigue, le risque biologique diffus est souvent mal connu ou négligé et les mesures de prévention peuvent être insuffisantes : l'exposition à des environnements de travail agricole et d’élevage, mais aussi industriel (agroalimentaire, textile, cuir, bois) fortement contaminés en poussières organiques est à l’origine de nombreuses pathologies professionnelles pulmonaires chroniques : asthme, bronchite chronique, pneumopathie d’hypersensibilité, broncho-pneumopathie chronique obstructive, syndrome toxique des poussières organiques.
Quant aux risques liés aux techniques du génie génétique, ils sont difficiles à évaluer a priori, car chacun des éléments mis en œuvre (l’organisme donneur, l’hôte, le vecteur et le fragment d’ADN inséré) et leur combinaison aboutissent à un organisme génétiquement modifié avec une multitude de possibilités de recombinaisons génétiques.
L’exposome psychologique professionnel
Dans un monde du travail ou les fonctions mentales sont de plus en plus sollicitées, la santé psychologique au travail est une problématique de plus en plus préoccupante, la violence au travail est un phénomène en forte progression et ses répercussions sur la santé (en particulier dépressions nerveuses, atteintes somatiques et cardio-vasculaires, addictions) témoignent des pathologies nouvelles qui touchent aujourd'hui de plus en plus les salariés sédentaires. On est passé de la notion de contrainte physique à la notion de contrainte morale induite par une organisation hiérarchisée et bureaucratisée.
Ces risques socio-psychologiques peuvent avoir plusieurs origines, que l’on rencontre souvent dans les situations de travail de bureau, ou la promiscuité prolongée dans un espace clos, les travers de relations hiérarchiques abusives, les favorisent : le stress managérial (organisation, contrôle et rythme de travail), le stress lié à tension émotionnelle de la relation hiérarchique et à la violence verbale des tiers (clients, fournisseurs...), le stress du harcèlement moral.
Les signes de souffrance mentale qui en résultent sont fréquents (problèmes gastro-intestinaux, atteintes cardio-vasculaires, irritabilité et fatigue chronique, altération du sommeil, démotivation, tentatives de suicide) et doivent alerter la hiérarchie et le médecin du travail avant que des troubles anxio-dépressifs sérieux et des symptômes d’épuisement (« burn-out ») ne s’installent. De fait, la santé psychologique au bureau est une problématique qui devrait préoccuper de plus en plus les entreprises, car de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress dans les bureaux : une organisation dont les employés souffrent de troubles psychologiques ou simplement de manque de motivation, souffre inévitablement au niveau de son efficacité organisationnelle.
Beaucoup de causes favorisant le stress au travail résident dans l’organisation du travail et la conception des tâches, dans le style de gestion du personnel.
L’évaluation de l’exposome professionnel
La science des expositions, encore embryonnaire, doit être développée dans le cadre d’une maîtrise pluridisciplinaire qui exige de nombreuses compétences (biologistes, toxicologues, épidémiologistes, statisticiens, mathématiciens, informaticiens, médecins du travail, hygiénistes, ingénieurs HSE, métrologues...) : il faut associer les méthodes de la biologie, de la métrologie, de la biotechnologie et de la bioinformatique à la démarche épidémiologique.
La multitude des paramètres à prendre en compte, la combinatoire élevée des expositions, la dimension temporelle importante, rend l’élaboration des modèles et outils de mesure de l’exposome fiables extrêmement difficile : un outil méthodologique pour la modélisation et l'évaluation complète des expositions environnementales est encore à concevoir, mais certains projets européens récents, tels que HELIX, EXPOsOMICS, HEALS, et américain tel HERCULES ont commencé à faire de premières tentatives.
En France, le Plan National Santé-Environnement 2014, validé par la nouvelle loi de santé publique (article 1er), encourage le développement de programmes de recherche sur des cohortes de longue durée : « La notion d’exposome implique de prendre en considération les diverses sources de pollution susceptibles de concourir à l’altération de la santé des individus, à la fois en considérant la totalité des voies d’exposition à un polluant ou une nuisance et, quand c’est possible, les interactions entre polluants. La nouveauté de la notion d’exposome est de s’appliquer à l’atteinte au niveau des organes cibles en intégrant les mécanismes de toxicité associés et la réponse biologique globale (toxicologie systémique). Cette notion établit ainsi le lien entre la contamination des milieux et les biomarqueurs d’exposition, voire d’effets précoces. Elle apporte une solution au problème de continuité entre une approche par milieu et une approche par pathologie, de mieux hiérarchiser les facteurs de risques et d’établir les priorités d’actions de prévention et de gestion. De plus, elle permet de faire le lien entre population professionnelle et population générale en intégrant les expositions liées au milieu professionnel ou et non professionnel et non plus en les envisageant, comme précédemment, de manière indépendante. » Cela s’appuie "la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l’éducation et aux conditions de travail. L’identification de ces risques s’appuient sur le concept d’exposome, entendu comme l’intégration des expositions pour la vie entière".
Cette politique de la santé publique vise à identifier et limiter les risques en particulier pour restreindre les coûts de prises en charge des dépenses de santé, d’agir plus efficacement pour mieux appréhender et gérer les risques collectifs et intervenir par des politiques de prévention ciblées sur la protection environnementale de la population en général.
- La problématique de la démarche d’évaluation de l’exposome professionnel
Les circonstances des expositions professionnelles toxiques et nocives sont multifactorielles, et sont souvent révélatrices d’une multitude de petits dysfonctionnements chroniques, dont chacun pris isolément n’est pas forcément grave. L’exposome professionnel est le résultat d’un très grand nombre de cumuls et de combinaisons d’événements indésirables possibles : les dangers présentent un certain degré d’imprédictibilité, dépendant de multiples additions et interdépendances, les rendant pour une grande part indéterministes.
Tous les éléments matériels ou techniques ou organisationnels comportent une part d’incertitude et de combinatoire qui peuvent très difficilement être tous appréhendés tant les causes avec les enchaînements et les conjonctions de faits générateurs sont nombreuses.
De plus, la mesure des concentrations sur les lieux de travail est soumise à des marges d’erreur importantes, selon le lieu et le moment précis du prélèvement, malgré une stratégie d’échantillonnage ambulatoire adaptée. La prise en compte des émissions diffuses et de faible intensité compliquent encore la mesure.
On utilise près de 100000 produits chimiques sur les lieux de travail : ce nombre croit sans cesse et un nombre très réduit d’entre eux a fait l’objet de tests complets pour détecter leurs risques, notamment cancérogènes.
Les mesures des expositions reposent sur des connaissances scientifiques pointues et sur des matériels et procédures d’analyse de haute exigence qui ne sont pas encore toutes disponible : on s’aperçoit de la nécessité de poursuivre intensément de longues études épidémiologiques et toxicologiques pour essayer de progresser dans la voie de l’analyse de l’exposome professionnel.
Mais à ces grandes difficultés techniques s’ajoutent des aspects sociaux qui rendent encore plus délicate l’évaluation de l’exposome de nature professionnelle : l’accroissement de la mobilité professionnelle, le développement de la sous-traitance et des contrats de travail précaires compliquent beaucoup le suivi et la traçabilité des expositions professionnelles. L’instabilité des postes occupés compromet alors la connaissance exacte des risques encourus tout au long de la vie professionnelle. Le « nomadisme » fréquent des travailleurs de la sous-traitance et de l’intérim rend délicate la constitution d’une mémoire des expositions. - Les démarches de la métrologie des expositions professionnelles
L’évaluation de l’exposome se fait à la fois de manière collective et individuelle. La quantification de l'exposition met en jeu différentes méthodes : • les visites de poste,
• la métrologie d'atmosphère (au niveau des postes et des locaux de travail)
• la biométrologie, pour mieux évaluer l'imprégnation des travailleurs.
Les mesures s’effectuent pour l’ensemble d’un lieu de travail (mesures atmosphériques d’un composé chimique dans un atelier), ou pour des expositions individuelles, au travers d’indicateurs biologiques d’exposition (produits toxiques mesurés dans les tissus ou sécrétions biologiques des travailleurs exposés : urine, sang, poils ...).
De nouveaux capteurs (ou ceux développés dans le futur) aptes à mesurer et à transmettre différentes constantes chimiques ou physiques associées à des indications géographiques de position et de mouvement dans le temps fourniront des données multiples à intégrer dans des modèles mathématiques et statistiques : les futures capacités des logiciels, de stockage énorme et de traitement ultrarapide informatique (big data) autoriseront une analyse fine et pertinente des corrélations diverses permettant une évaluation précise de l’influence des différents facteurs d’exposition aux polluants industriels et autres risques professionnels.
- La métrologie chimique utilise des méthodes de prélèvements, d’échantillonnage et d'analyse des substances toxiques dans l'air par mesure de polluants atmosphériques à l’émission des sources fixes et sur les plans de travail par frottis de surface.
La métrologie à l’émission doit permettre non seulement d’évaluer la concentration d’un ou plusieurs polluants mais aussi d’en estimer les flux annuels (mesure de concentrations en continu, mesure du débit...), ainsi que les caractéristiques physico-chimiques, de forme, de taille de particules. Les appareils de mesure utilisés sont des capteurs individuels ou atmosphériques de poussières, des pompes de prélèvements, des préleveurs ambiants de gaz, ....
L’évaluation du risque sanitaire des mélanges de polluants chimiques est particulièrement complexe : effets d’addition, de synergie, de potentialisation, pour lesquels les nuisances des composés chimiques peuvent s’ajouter et s’amplifier les uns aux autres.
Les composés organiques volatils (COV) présents dans l’air sont mesurés individuellement. Ils sont adsorbés à l’aide d’une cartouche de charbon actif qui retient les molécules en surface, puis recueillis et analysés par chromatographie en phase gazeuse avec double détection par spectrométrie de masse et ionisation de flamme.
La biométrologie permet de mieux mesurer le risque réel du risque sanitaire du travailleur en analysant les effets de la dose effectivement reçue (indicateurs biologiques d’exposition, IBE) et contribue à bien assurer la traçabilité des expositions professionnelles en pouvant connaître la quantité de substances toxiques cumulée ayant pénétré dans l’organisme lors d’expositions anciennes (notion de valeur limite biologique, VLB).
La biométrologie analyse les biomarqueurs, substances ou leurs métabolites dans les tissus, les sécrétions, le sang, les cheveux, ou les urines, l’air expiré des travailleurs. La métrologie de l’exposition cutanée peut s’effectuer au moyen de prélèvements réalisés par patchs.
Néanmoins, à ce jour, il y a seulement un assez petit nombre de substances pour lesquelles une biométrologie est disponible.
Cette méthode n’est utile que pour mesurer les niveaux moyens d’exposition, et non les valeurs maximales.
Elle est particulièrement utilisée pour la surveillance biologique d’exposition aux solvants, de la plombémie. La détermination du taux de plomb (plombémie) dans le sang constitue le paramètre le plus important pour évaluer l’exposition encourue durant une période prolongée.
Cette surveillance biologique de I' exposition est normalement réservée aux substances qui pénètrent dans la circulation sanguine et exercent des effets systémiques. Une concentration trop importante de la substance toxique ou de ses métabolites constatée au cours de ces analyses biologiques par rapport aux valeurs de référence peut justifier une décision d’inaptitude temporaire ou définitive au vu de l’évolution des paramètres pathologiques constatés dans les contrôles antérieurs.
- La métrologie des nuisances sonores utilise des instruments pour mesurer le bruit : le sonomètre et l'audio dosimètre. Le sonomètre se compose d'un microphone, de circuits électroniques et d'un affichage. Les sonomètres simples (non intégrateurs) peuvent être utilisés seulement pour des mesurages exploratoires car ils ne fournissent qu’une indication ponctuelle. Par contre, le sonomètre intégrateur établit un niveau sonore équivalent sur une période d'enregistrement des bruits. L'audio dosimètre, quant à lui, est un petit appareil léger qui se porte à la ceinture et qui est relié à un petit microphone qui s'attache au col, près de l'oreille du porteur. Cet appareil enregistre les niveaux sonores, dont il calcule la moyenne. Il est très utile dans un milieu où la durée et l'intensité des bruits varient et où le travailleur se déplace.
La cartographie sonore est une technique qui consiste à définir un maillage des ateliers, puis à mesurer le niveau sonore dans chaque maille pour élaborer une carte de bruit qui permet la localisation des zones d'activités les plus bruyantes et d’établir ainsi des plans prioritaires de réduction sonore.
- La métrologie de l’exposition aux agents biologiques en milieu de travail, consiste à mesurer des agents biologiques ou des toxines dans l’air, les fluides ou sur les surfaces, n’est pas utilisée dans tous les secteurs.
En effet, les agents biologiques font partie de l’environnement et un contrôle de l’ambiance de travail ne peut être envisagé que dans certaines situations d’exposition majeure ou critique (travail dans les hôpitaux ou laboratoires, élevage et industries agroalimentaires, traitement des eaux usées et des déchets, etc.), ou l’on peut faire la recherche des agents biologiques pathogènes les plus probables.
Pour éviter les difficultés d'interprétation, il faut réaliser des mesures comparatives, air intérieur/extérieur ou local contaminé/local témoin dans des conditions identiques.
Dans le cas de certains liquides industriels, comme les fluides de coupe pour l’usinage des métaux ou les réseaux de refroidissement, le contrôle de la teneur en micro-organismes des fluides en service est indispensable pour la prévention de la contamination du personnel (affections respiratoires et légionellose).
- La métrologie de l’exposition aux rayonnements ionisants distingue l’évaluation de la contamination interne et celle de l’irradiation externe.
La surveillance d’une exposition externe se fait par dosimètres passifs individuels portés au niveau de la poitrine (films photographiques ou détecteurs thermo-luminescents) avec contrôle différé de la dose cumulée reçue, ou par dosimètres actifs électroniques individuels munis d’alarmes, avec lecture directe et immédiate de la dose individuelle reçue.
La mesure de la contamination interne, beaucoup plus difficile et présentant des incertitudes beaucoup plus grandes que celle de l’irradiation externe, comporte deux possibilités :
• L’anthroporadiamétrie, mesures directes des radionucléides dans le corps entier ou dans des organes particuliers,
• Des analyses radiotoxicologiques, mesures radiochimiques sur des sécrétions biologiques.
Pour les plans de travail ou les sols, la méthode consiste en un prélèvement de matière radioactive à l'aide d’un frottis, examiné ensuite à l’aide d’un appareil adapté (par exemple scintillateur liquide).
- Autres expositions professionnelles : la traçabilité devrait concerner également d’autres domaines tels que les facteurs liés aux troubles musculo-squelettiques (TMS dus aux ports de charges, vibrations, postures contraignantes, gestes répétitifs ...), aux risques psycho-sociaux, au travail de nuit, à la chaleur ou au froid, à la lumière bleue, ultraviolette ou infrarouge, aux ondes électromagnétiques, aux infrasons ou ultrasons ... - Les dispositifs de mesure de l’exposome professionnels
Deux dispositifs de traçabilité des expositions professionnelles existent déjà, l’un concernant les expositions aux rayonnements ionisants qui mesure les doses réellement incorporées par le salarié, l’autre celui relatif aux agents chimiques, dont les agents CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), qui ne tient compte que de l’environnement professionnel et qui informe seulement sur la susceptibilité d’y avoir été en contact.
Le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale le 15 septembre 2010 introduit dans le code du travail des articles nouveaux relatifs au suivi de toutes les expositions des salariés aux facteurs de risques professionnels en créant deux dispositifs qui permettraient d’envisager les moyens d’un suivi longitudinal des salariés tout au long de leur parcours professionnel :
- Un « carnet de santé au travail », constitué par le médecin du travail.
- L’obligation pour l’employeur de consigner dans une fiche individuelle « les conditions de la pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est intervenue ». Les facteurs de risques professionnels (qui seraient déterminés par décret) sont définis comme « liés à est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est intervenue ». Les facteurs de risques professionnels (qui seraient déterminés par décret) sont définis comme « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé ».
L’efficacité de ces mesures nécessiterait notamment de rechercher les moyens de la transmission d’informations entre médecins du travail compte tenu des mobilités professionnelles, ainsi qu’avec la médecine de ville.
Au delà du suivi individuel, l’apport de ces mesures à la traçabilité des expositions professionnelles et à la prévention collective, supposerait l’adoption de référentiels communs (et de moyens !) pour la collecte et la saisie des données de façon à agréger les informations individuelles et la création de bases de données et de modèles pour les exploiter à des fins collectives. - Les organismes de traçabilité des expositions professionnelles
Le Réseau National de Vigilance et Prévention des Pathologies Professionnelles (RNV3P) regroupe les observations de tous les centres de consultations de pathologies professionnelles, pour mieux repérer les étiologies professionnelles et suivre l'évolution des maladies professionnelles.
L’INVS (Institut de Veille Sanitaire) analyse les données de base de santé publique, effectue le choix d'indicateurs fiables et pertinents d’épidémiologie, diffuse une information régulière aux décideurs.
L’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) effectue des recherches sur l’épidémiologie des cancers professionnels et sur les composantes professionnelles et sociales de la santé.
L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) développe des bases de données et des métrologies d’exposition adaptées aux polluants chimiques et biologiques industriels.
Le troisième plan national santé environnement 2015-2019 (PNSE3) implique dans la recherche l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) : «L’objectif est de construire d’ici la fin du PNSE3, à partir d’indicateurs d’exposition un indicateur composite permettant d’obtenir une vision globale et intégrée des expositions environnementales dont on sait qu’elles ont un lien avec la santé humaine».
La base de données COLCHIC est alimentée par les prélèvements réalisés par les laboratoires des CRAM, et du laboratoire de l’INRS. Elle contient des informations sur les conditions de réalisation des prélèvements (technique de prélèvement, volume, durée, méthode, ...), des données sur l’entreprise (secteur d’activité économique, localisation, ...), et des informations sur les travailleurs (fréquence d’exposition, profession, type de tâches effectuées, ...).
Pour les institutions de la santé au travail, la traçabilité permet d’alimenter les recherches épidémiologiques et toxicologiques avec des données qui sont sinon très insuffisantes ou trop dispersées. Il s’agit de bien repérer les caractéristiques des expositions pathogènes (durée/intensité...), d’éliminer par des analyses de signification statistique les nombreux biais causés par la mauvaise connaissance des types et des niveaux d'exposition professionnelle, les nombreux facteurs de confusion entre les interactions des expositions professionnelles associées et extraprofessionnelles (tabagisme, alcool, alimentation, rayons UV...).
Juillet 2015
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