Un projet d'entreprise décrit une mission que s'assigne l'entreprise, définit le plan d'action à mettre en œuvre pour la mener à bien : le projet a pour vocation de donner un dessein et de guider l'action face à un enjeu majeur, en fédérant le personnel de l'entreprise, suscitant le désir d'agir ensemble de manière cohérente. Un projet d'amélioration de la sécurité et des conditions de travail (SCT) s'inscrit dans une cette dynamique ...
Un projet d’entreprise décrit une mission que s’assigne l’entreprise, définit le plan d’action à mettre en œuvre pour la mener à bien : le projet a pour vocation de donner un dessein et de guider l'action face à un enjeu majeur, en fédérant le personnel de l’entreprise, suscitant le désir d'agir ensemble de manière cohérente. Un projet d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail (SCT) s’inscrit dans une cette dynamique qui requiert de la pédagogie, une démarche participative et collaborative. Il s’agit de rendre les salariés de l’entreprise conscients des enjeux et acteurs, de susciter un nouvel état d'esprit dans l'entreprise partagé par la plus grande partie du personnel, face à un enjeu consensuel ressenti comme important, l’élimination ou la réduction des risques professionnels : le projet d'entreprise résulte d’une démarche destinée au personnel qui a pour but de le motiver, d'assurer sa cohésion, et vise à mobiliser les énergies de tous vers un objectif commun d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail.
Le projet SCT peut être déterminé par une réaction face à des indicateurs d’alerte tels une augmentation de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et maladies professionnelles , une aggravation des indicateurs de santé négatifs (troubles musculo-squelettiques , cardio-vasculaires, accidents en mission, dépressions ...), hausse du taux d ’absentéisme et du turn-over ou face à une crise comme des accidents mortels ou des suicides sur le lieu de travail, révélant l’utilisation de produits ou procédé dangereux ou une organisation et un management pathogènes : le projet doit alors être mené avec une certaine urgence, souvent dans un climat social dégradé et/ou sous la contrainte de revendications. La demande croissante de diminution des risques professionnels engendre beaucoup de mouvements sociaux qui revendiquent l'amélioration des conditions de travail et de la sécurité, avec de plus la problématique nouvelle de la prise en compte de la souffrance psychologique au travail (stress, harcèlements...). Dans un climat généralement tendu et passionnel, le lancement d’un projet SCT est susceptible de créer des espaces de dialogue pour favoriser la compréhension et trouver des solutions.
Mais le projet SCT peut aussi être mené de manière proactive, résultant du choix des dirigeants : il s’agit souvent d’impulser, d’organiser et de maîtriser l’adaptation de l’entreprise aux risques dus aux modifications techniques, d’outils et/ou de méthodes de production ou dus à un changement d’organisation. Le projet d'entreprise d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail est alors un levier de motivation face aux évolutions et constitue un outil permettant à la fois d'amoindrir la réticence au changement et de prévenir les risques, en précisant les axes d'actions prioritaires et les moyens retenus, en fixant des objectifs clairs, partagés et mobilisateurs, et en allouant des ressources en vue de l’amélioration de la sécurité et des conditions de travail. La très grande majorité des projets d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail sont de type réactif.
Les caractéristiques d’un projet d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail
La sécurité du travail repose sur un système sociotechnique ou les facteurs sociaux sont aussi importants que les facteurs techniques dans la prévention des risques professionnels. La qualité du processus de mise en œuvre de l’amélioration de la sécurité et des conditions de travail est aussi importante que la qualité intrinsèque du changement technique et/ou organisationnel proposé, car le facteur humain représente une des principales causes d'échec des projets SCT.
- Les facteurs-clé de succès du projet SCT reposent sur les qualités suivantes :
- Disposer de données factuelles, repousser les opinions toutes faites, viser à l’appropriation des solutions sur une base rationnelle structurée et documentée, éloigner la charge affective et/ou émotionnelle de risques qui contribue à brouiller la compréhension mutuelle : il faut éviter les opinions simplistes ayant un caractère d’évidence menant à des mesures dérisoires ou vaines, il faut se méfier d’une opinion majoritaire ou exprimée véhémentement ou pathétiquement qui n’est pas nécessairement juste, il faut chercher à prendre en compte tous les facteurs, les éléments, les influences qui expliquent les différents risques, déterminent leurs natures, leurs relations, leurs occurrences et leurs conséquences. Plus les données sont lacunaires, parcellaires et peu fiables, plus les décisions de prévention des risques sont arbitraires et inefficaces. Toutefois, il convient d’éviter la profusion de données inhibant l’utilisation de celles qui sont réellement significatives.
- Permettre l'adhésion et la coopération active des acteurs de l'entreprise : beaucoup de décisions managériales privilégient une démarche de réalisation de changement explicité sous forme d’exigence. Même en veillant au préalable à son acceptation, ceci explique bon nombre d’échecs d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail, car cela néglige la compréhension et l’appropriation par les acteurs qui auront à les mettre en œuvre. Convaincre de la nécessité de changer et de s'engager dans un processus de changement nécessite l’organisation de réunions de mobilisation et/ou création d'ateliers de réflexion mettant en avant la situation problématique actuelle, les opportunités d'amélioration et surtout les avantages attendus pour les équipes. Ces démarches participatives privilégient le brainstorming, le travail en groupe et l'action collective et misent sur l'influence mutuelle entre les personnes.
- Connaître les normes et les meilleures réalisations dans des activités similaires à l’extérieur. Le renforcement constant des normes et réglementations requiert un effort permanent d'analyse qui est rarement entrepris : le projet SCT doit donner l’occasion de le faire. Le repli sur soi est très fréquent dans les entreprises, générant parfois une culture d'infaillibilité : l’organisation croit avoir des compétences en matière de prévention des risques professionnels excellentes, sans qu’aucun benchmarking ne l’atteste. - Le périmètre du projet SCT ne doit être ni trop restreint ni trop étendu :
- Un projet SCT ne peut raisonnablement pas concerner une petite entreprise : à titre indicatif, un effectif d’une centaine de personnes semble être un minimum, car, au dessous, la disponibilité de plusieurs équipiers pour le projet est difficilement viable, ainsi que l’aide d’un conseil extérieur délicat sur un plan économique. Pour ces entreprises, une simple analyse des causes des accidents du travail doit être privilégiée.
- Un projet SCT n’est pas adapté non plus à une taille trop grande : au delà d’un département ou d’une division d’une grande entreprise, la diversité des procédés de fabrication, des localisations des usines ... rend illusoire une approche concrète de situations de travail trop disparates. La mise en œuvre beaucoup plus lourde d’un système de management de la sécurité et santé au travail (SMSST) est alors la solution à privilégier pour prendre en compte l’amélioration des conditions de travail de manière globale avec une méthodologie de gestion de la performance de la sécurité au travail basée sur des politiques de prévention, des procédures, des plans d’action, des indicateurs et des contrôles. Néanmoins, cela n’est pas le cas pour des risques de type transversal à toute l’organisation, comme l’alcoolisme, le tabagisme, les harcèlements au travail..., ou un projet SCT dédié a alors toute sa justification.
- Un projet SCT doit avoir un contour précis : envisager de traiter tous les risques ensemble tend à disperser les efforts et à rendre inopérant le projet. Il vaut mieux restreindre l’étendue de la problématique à un type de risque, celui ou l’enjeu parait le plus important (par exemple risques chimiques, risques psycho-sociaux, troubles musculo-squelettiques...), ou à une population spécifique la plus concernée (par exemple, accidents en mission pour les agents commerciaux et le personnel SAV...).
La conduite d’un projet d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail
Le déroulement d’un projet SCT comporte trois étapes : le lancement et la constitution d’une équipe animée par un chef de projet, l’évaluation de l’existant et la recherche des meilleures pratiques, l’élaboration des solutions d’amélioration avec des plans d’action. A la fin de chaque étape, un Comité de Pilotage du projet évalue et valide les analyses et les propositions au cours de réunions formelles avec l’équipe.
- Etape 1 : Le lancement du projet et la constitution d’une équipe
Un comité de pilotage du projet doit expliquer de façon claire et concise l’ambition que l’on va poursuivre, en fixant les enjeux et les objectifs dans un document qui sera communiqué au personnel (lettre d'engagement de la direction) et va présider au lancement du projet SCT. Le comité de pilotage est constitué de deux membres de la Direction, par exemple le Directeur des Ressources Humaines et le Directeur Industriel. Ce comité va nommer le chef du projet, constituer l’équipe et définir le budget dédié (disponibilité requise, frais de voyages et d’études spéciales, timing).
Le projet SCT peut remettre en cause l’aménagement des lieux et des postes de travail, le management et l’organisation et le comité de pilotage doit en être conscient, fixer au chef du projet les orientations et les limites (financières, organisationnelles...) au fur et à mesure de l’avancement des travaux, de manière à ce qu’il n’y ait pas de blocage ultérieur.
Pour les projets SCT de grande envergure, le chef du projet doit être dégagé au moins à mi-temps, et être éventuellement guidé et soutenu par un consultant extérieur spécialisé qui lui apporte son expertise, ses méthodes, et son expérience. Le chef de projet doit posséder une bonne connaissance de l’entreprise, il peut identifier les bons interlocuteurs. Il faut privilégier un acteur reconnu professionnellement pour son leadership : capacité de travail en groupe, degré de maîtrise industrielle, capacité d'écoute, de synthèse ...
L’équipe du projet (à titre indicatif, entre 3 et 5 équipiers selon la taille de l’établissement) comporte au moins une personne ayant quelque compétence HSE (responsable HSE, ou Qualité, Méthodes... sinon), un membre du CHSCT et un opérationnel. Il faut éviter d’avoir une équipe trop nombreuse, pour ne pas diluer les responsabilités. Le recours à des expertises extérieures sera du ressort des décisions de l’équipe si nécessaire. Les équipiers doivent consacrer au moins l’équivalent d’un jour par semaine à cette mission pendant quelques mois. Cette durée, de 2 à 4 mois, dépend de la complexité et de l’envergure du projet : elle ne doit pas être trop courte pour permettre l’éclosion d’une dynamique de groupe et de réaliser toutes les enquêtes et analyses nécessaires, ni trop longue pour ne pas s’enliser dans des détails et considérations inutiles.
Au cours de l’avancement du projet, des réunions périodiques (par exemple hebdomadaires) sont organisées par le chef de projet, pour que les équipiers présentent leurs enquêtes et études, pour planifier les actions futures et la communication, faire des brainstormings sur les solutions à trouver...
Chaque équipier aura à participer concrètement au projet, à faire partie du dispositif de communication et non se contenter d’un simple rôle d’observateur. Il convient de mettre en place un dispositif de communication permettant aux acteurs de l'entreprise tout au long du projet d'être informé sur son avancement. - Etape 2 : Diagnostic de l’existant
Il convient d’abord de procéder à un diagnostic sur le niveau actuel de la sécurité au travail pour les risques ou la population concernés, pour analyser et évaluer les pratiques de l'organisation actuelle par rapport aux exigences de la réglementation (audit de conformité) et déterminer les écarts par rapport aux meilleures réalisations dans des activités similaires à l’extérieur (benchmarking).
On peut consulter utilement les documents de déclarations d’accidents, de maladies professionnelles ou les rapports de la médecine et/ou de l’inspection du travail, les compte-rendus des réunions, les statistiques d’absentéisme maladie... On doit réaliser des interviews des opérateurs et de leur hiérarchie, du médecin et des infirmières du travail, des délégués du personnel ...On peut se documenter dans des revues spécialisées, faire des recherches sur Internet, aller visiter des installations ayant des caractéristiques techniques proches. Sur des points précis litigieux ou sophistiqués, on peut avoir recours à un expert extérieur. Il faut éviter que l’expert HSE monopolise les débats, il doit apporter des synthèses pédagogiques.
Cette étape se termine par une réunion plénière avec le comité de pilotage qui évalue et valide le diagnostic, ou demande des études complémentaires.
Cette étape peut connaître des échecs : toute dynamique de groupe, après un départ enthousiaste, peut générer au bout d’un certain temps une remise en cause de l’intérêt de la démarche, de l’autorité du chef de projet, engendrer une lassitude due à la lenteur de la méthode : afin de maintenir la mobilisation des équipiers, vaincre l’inertie au démarrage, puis l’enlisement en cours de route, il importe alors de communiquer sur des résultats tangibles (des « petites victoires ») à intervalles réguliers afin de maintenir un degré de mobilisation à un niveau élevé. - Etape 3 : Elaboration des solutions
Le chef de projet doit non seulement veiller à la clarté et à l’efficacité des plans d’action, mais aussi à que ceux-ci soient réalistes, atteignables, sinon des échecs flagrants et répétés seraient sources de décrédibilisation et de conflits futurs.
Le chef de projet a un rôle de modérateur et de conciliateur au sein du groupe car les objectifs doivent être définis en tenant compte de l’évaluation des risques soumise nécessairement à des arbitrages (car, il n’y a pas de certitude absolue dans ce domaine), des exigences légales bien sur, mais aussi des réalités financières de l’entreprise : l’effort économique doit être a priori supportable, l’analyse coût/efficacité pertinente. A considérer néanmoins, dans l’étude économique, que les investissements à réaliser entrainent généralement aussi des gains de productivité et de qualité.
Le comité de pilotage va alors statuer en réunion plénière sur la validité des propositions du chef de projet, demander éventuellement des études complémentaires ou faire des amendements et décider effectivement de leur mise en application, du montant et de l’échéancier des ressources allouées, après accord définitif du chef d’établissement. Les plans d’action, à ce stade encore peu détaillés, décrivent les objectifs, les modalités, les délais, les moyens et les responsables de mise en œuvre.
Pour aller plus loin
- 1. OFFICIEL PREVENTION : Formation > Formation continue à la sécurité : Les politiques de sécurité au travail et de prévention des risques professionnels
- 2. OFFICIEL PREVENTION : Formation > Conseils : Les systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail (SMSST)
- 3. OFFICIEL PREVENTION : Formation > Formation continue à la sécurité : L’arbre des causes d’un accident du travail
Juin 2012
Partagez et diffusez ce dossier
Laissez un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.