
Des
produits chimiques sous stricte surveillance. Le Parlement européen
a donné, ce mercredi, à une très large majorité,
son aval au compromis négocié avec le Conseil sur la réglementation
REACH relative à l'enregistrement, l'évaluation
et l'autorisation des produits chimiques, mettant ainsi fin à
trois ans de négociations avec les Etats membres. |
![]() Source : Commission Européenne |
Les députés
ont estimé qu'un équilibre avait ainsi été
trouvé entre les intérêts des consommateurs et de
l'environnement d'une part et l'industrie européenne des produits
chimiques de l'autre.
Par 529 voix pour, 98 contre et 24 abstentions, les députés
ont approuvé le compromis conclu le 30 novembre avec le Conseil et
qui était soutenu par quatre groupes politiques du Parlement (PPE-DE,
PSE, ADLE et UEN).
"Ce vote, sur l'un des textes les plus complexes de l'histoire de l'UE,
met en place une législation essentielle pour préserver la santé
publique et l'environnement contre les risques des substances chimiques, sans
porter atteinte à la compétitivité européenne.
Il offre aux citoyens de l'UE une véritable protection contre la multitude
de substances toxiques dans la vie de tous les jours en Europe", s'est
félicité le Président du PE, Josep BORRELL FONTELLES.
Les produits chimiques sont suspectés d'être en partie responsables
de l'augmentation de nombreuses maladies (allergies, asthme, certains cancers
et troubles de la reproduction). Mais les informations à ce sujet sont
insuffisantes parce que les substances qu'ils contiennent n'ont pas
été suffisamment évaluées.
Le projet d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation de
ces produits chimiques baptisé REACH ("Registration, Evaluation
and Authorisation of CHemicals" en anglais) a été proposé
par la Commission en octobre 2003. Destiné à remplacer près
de 40 textes législatifs en vigueur, le règlement permettra
d'évaluer la sécurité d'environ 30 000 substances
mises sur le marché avant 1981 - année depuis laquelle des demandes
formelles d'autorisation sont exigées - et qui sont produites
ou importées en quantité supérieure à 1 tonne
par an. Parmi celles-ci, près de 3 000 substances
dangereuses seront soumises à une procédure d'autorisation stricte
sans garantie de pouvoir rester sur le marché.
Ce projet, qui vise à améliorer la protection de la santé
humaine et de l'environnement tout en renforçant la compétitivité
de l'industrie chimique européenne, est le fruit de longues années
de négociations entre le Parlement européen, les Etats membres
représentés par le Conseil, et la Commission européenne.
Il a aussi été sujet à un intense lobbying de la part
de l'industrie défendant les intérêts économiques
et commerciaux du secteur d'un côté et des ONG défendant
les consommateurs et l'environnement de l'autre. De part son ambition, sa
portée et sa complexité technique, c'est
l'une des plus importantes législations examinées par le PE
à ce jour. Le texte, qui faisait plus de 1000 pages en première
lecture en novembre 2005, avoisine désormais les 720 pages.
Les députés européens ont dû batailler ferme pour
obtenir in extremis le 30 novembre un compromis avec le Conseil reflétant
leurs principales demandes, à savoir la substitution obligatoire des
substances les plus dangereuses lorsque des alternatives existent, la reconnaissance
d'un «devoir de vigilance» des producteurs ou la promotion
de méthodes alternatives à l'expérimentation sur les
animaux.
"Avec l'adoption de la réglementation REACH, l'Europe a marqué
un point", a estimé le rapporteur, Guido SACCONI (PSE, IT). "Ce
résultat est une fresque collective à laquelle beaucoup ont
apporté leur contribution", a-t-il encore indiqué, rappelant
que dix commissions parlementaires avaient été impliquées.
Selon le projet REACH, une procédure d'autorisation spéciale devrait s'appliquer aux substances très préoccupantes, en particulier celles qui sont persistantes, bio-accumulatives et toxiques (PBT), très persistantes et très bio-accumulatives (VPVB), cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). Celles-ci ne pourront plus être mises sur le marché à moins d'avoir été autorisées par la Commission, qui s'appuiera sur les recommandations de la future Agence européenne des produits chimiques.
Le Parlement avait adopté une position forte dès la première lecture en demandant la substitution obligatoire de ces substances, lorsque des produits de remplacement moins nocifs existent, et la limitation des autorisations à 5 ans pour favoriser l'innovation. Le Conseil avait opté quant à lui pour des dispositions moins contraignantes prévoyant que les substances dangereuses (à l'exception des PBT, VPVB, et CMR) puissent être autorisées si elles font l'objet d'un contrôle adéquat et que la durée des autorisations soit décidée au cas par cas.
Le compromis prévoit qu'un plan de substitution devra obligatoirement être soumis par les producteurs auprès de l'Agence dans le but de remplacer les substances les plus dangereuses par des alternatives moins nocives. Le comité économique et social de l'Agence sera chargé de donner un avis et les parties intéressées auront la possibilité d'intervenir pour soumettre d'autres informations. Si à l'issue de ce processus, il s'avère qu'il n'existe pas de produits alternatifs, les producteurs devront présenter un plan de recherche et de développement dans le but d'en trouver. La validité des autorisations sera limitée dans le temps, leur durée sera décidée au cas par cas en fonction des plans soumis par les producteurs.
Les substances ayant des effets perturbateurs sur le système endocrinien seront, quant à elles, soumises à un contrôle adéquat. Toutefois, une clause de révision prévoit que leur inclusion parmi les substances devant faire l'objet d'une autorisation expresse pourra être considérée 6 ans après l'entrée en vigueur de la réglementation sur la base des dernières données scientifiques disponibles et au vu des résultats d'une analyse des coûts et avantages socio-économiques de leur utilisation.
En première lecture, un début d'accord avait été trouvé entre le Parlement et le Conseil sur l'enregistrement des près de 30 000 substances concernées. La quantité des informations à soumettre dépendra de la dangerosité de la substance, de la quantité produite ou importée et du degré d'exposition à celle-ci, en commençant par les substances les plus dangereuses et les gros tonnages. Le principe "une substance, un enregistrement" (OSOR) obligera les entreprises à déposer des demandes d'enregistrement conjointes et à échanger les informations dont elles disposent sur les substances. Des possibilités d'"opting-out" pour se soustraire à cet échange d'information ont été prévues mais elles devront être dûment justifiées. Une procédure d'enregistrement plus souple a aussi été convenue pour les substances produites ou importées en quantité inférieure à 10 tonnes par an, sauf si elles sont potentiellement dangereuses. Pour les substances produites ou importées en quantité supérieure à 10 tonnes, les entreprises pourront être exemptées des tests de sécurité si elles sont en mesure de prouver que les risques pour la santé posés par les substances peuvent être suffisamment contrôlés.
Le compromis négocié entre le Parlement et le Conseil précise que la Commission devra évaluer d'ici 12 ans s'il faut étendre ou non l'obligation de présenter un rapport de sécurité chimique pour les substances produites ou importées dans des quantités inférieures à 10 tonnes par an. Ce délai a été raccourci à 7 ans pour les substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
Le dernier délai pour l'enregistrement des substances a été fixé à 2018.
Les dispositions sur les droits de propriété intellectuelle ont quant à elles été renforcées avec une protection des données étendue de 3 à 6 ans.
Comme le souhaitaient les députés, la réglementation sera basée sur le principe - maintenant inscrit dans un considérant - selon lequel la production, l'importation et la mise sur le marché des substances devra se faire prudemment et de manière responsable pour, dans des circonstances raisonnablement prévisibles, veiller à ce que la santé humaine ou l'environnement ne soient pas affectés.
Cela impliquera notamment de collecter toutes les informations utiles sur les substances concernées, et de relayer toutes les recommandations relatives à la gestion des risques dans la chaîne de distribution.
La promotion des méthodes alternatives à l'expérimentation animale pour tester les effets des substances, chère aux députés, est désormais reconnue comme un des objectifs de la réglementation REACH. Dans le but d'éviter la duplication de tests déjà réalisés sur des animaux, les parties intéressées auront 45 jours pour se manifester avant chaque nouveau projet d'expérimentation animale. Les informations relatives à la toxicité pour l'homme devraient être générées si possible par d'autres moyens que des tests sur les animaux vertébrés, via l'utilisation de méthodes alternatives, par exemple les méthodes in vivo. Ces méthodes alternatives devront être validées par la Commission, une fois reconnues par l'Agence, ou les institutions internationales. La Commission européenne présentera tous les 3 ans un rapport sur l'usage de ces tests alternatifs et soumettra si nécessaire de nouvelles propositions législatives.
En première lecture, le PE et le Conseil se sont aussi mis d'accord pour renforcer le rôle de la future Agence européenne des produits chimiques qui sera établie à Helsinki, notamment en ce qui concerne l'évaluation des dossiers de demande d'enregistrement. Leurs avis divergeaient toutefois sur sa composition et son positionnement par rapport aux autorités nationales compétentes.
Le texte final prévoit que deux membres du Conseil d'administration
de l'Agence d'Helsinki seront nommés par le PE. Le Directeur exécutif
devra quant à lui être auditionné par les députés
européens avant sa nomination formelle. Les demandes du PE relatives
aux garanties d'indépendance des membres vis-à-vis de l'industrie
et à la publication de déclarations d'intérêt
n'ont en revanche pas été retenues.
L'Agence devrait être opérationnelle à partir du 1er juin
2008.
Une clause relative au devoir d'informer le public sur les substances
dangereuses contenues dans les produits a été ajoutée
en deuxième lecture. La chaîne de distribution, y compris les
consommateurs qui le demandent, devront être informés de la présence
de toute substance chimique en quantité supérieure à
0,1% du poids total des produits. La Commission devra examiner la possibilité
d'établir une marque européenne de qualité des
produits chimiques.
Enfin, un certain nombre de modifications ont été acceptées par la Conseil pour aligner les dispositions de la réglementation REACH aux nouvelles règles de comitologie donnant au PE un droit de contrôle sur certaines décisions prises par la Commission européenne.
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