Malgré des avancées, les difficultés d’intégration des personnes en situation de handicap dans l’entreprise restent nombreuses. Le handicap reste un facteur très discriminant dans l’emploi. Aujourd'hui, moins d'un quart des entreprises sont totalement équipées pour accueillir des travailleurs handicapés. Les PME et surtout les TPE sont à la traîne. Le quota de 6 % de travailleurs en situation de handicap dans les entreprises est encore loin d’être atteint.
Les chiffres sont parlants et témoignent des difficultés d’insertion professionnelle des personnes handicapées : 1 205 000, c’est le nombre de personnes en situation de handicap en emploi en 2023, soit 4,3 % des personnes travaillant. Dans ce contexte, on est encore loin des 6 % imposés par la loi au sein de chaque entreprise.
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste élevé en France : selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le taux de chômage de cette population, s’élève à 12 %, contre seulement 7,3 % pour l’ensemble des Français. En proportion, il est quasi deux fois plus élevé que pour la population active.
La situation s’est améliorée par rapport à 2014, où on comptait 18 % de sans-emploi parmi les actifs en situation de handicap (contre 10,3 % chez l’ensemble des actifs).
Christophe Roth, président de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), cite le rôle positif de la loi du 5 septembre 2018. Cette loi a permis la mise en place de référents handicaps obligatoire dans les entreprises de plus de 250 salariés venant soutenir et encourager l’emploi en milieu ordinaire, c’est-à-dire aux côtés des personnes dites valides.
Ces efforts n’ont cependant pas permis d’atteindre le quota de 6 % de travailleurs en situation de handicap dans les entreprises.
L’insertion dans l’emploi demeure une course d’obstacles
Historiquement, le handicap a longtemps été perçu comme incompatible avec l’exercice d’un emploi rémunéré. Cette perspective a heureusement évolué. Toutefois, les personnes handicapées rencontrent toujours des obstacles pour accéder à l'emploi, s'y maintenir et y progresser.
Les difficultés d’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail sont multiples. Leur handicap limite l’étendue des tâches qu’elles peuvent exercer. Il réduit parfois aussi l’ampleur du réseau social qu’elles peuvent mobiliser. Enfin, la scolarité des personnes handicapées étant plus difficile, elles disposent souvent d’un niveau de diplôme inférieur à la moyenne.
Leurs conditions de travail sont souvent difficiles, notamment du fait des manquements des employeurs en matière d’aménagements qui peuvent être nécessaires (ex. aménagements techniques du poste de travail, aménagement des horaires…). Ces personnes pâtissent plus généralement de milieux de travail qui restent globalement peu inclusifs tant sur le plan matériel (accessibilité) que symbolique (stigmatisation).
L’obligation d’emploi de personnes handicapées
Pour toutes les entreprises de 20 salariés et plus, les lois du 10 juillet 1987 et du 11 février 2005 déterminent les obligations des entreprises en matière d’emploi de personnes en situation de handicap (OETH). Si l’effectif de votre entreprise est de 20 salariés et plus, vous devez compter au minimum 6 % de personnes en situation de handicap.
Les entreprises concernées par l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés doivent justifier qu'elles ont bien rempli cette obligation d'emploi : elles doivent déclarer chaque année le nombre de travailleurs handicapés dans la déclaration obligatoire d’emploi de travailleurs handicapés (DOETH).
Cette déclaration est effectuée par le biais de la déclaration sociale nominative (DSN).
En cas de non-respect de l'OETH, les entreprises s'exposent au versement d'une contribution financière annuelle à l'Agefiph (le paiement se fait auprès de l'Urssaf). Le montant de cette contribution est calculé en fonction du nombre de travailleurs handicapés que l'entreprise aurait dû théoriquement employer.
Dans la pratique, selon la Dares en 2022, 19 % des sociétés soumises à ces obligations n’atteignent toujours pas l’objectif des 6 %. Le secteur public était à 5,66 % en 2023, et le privé à 4 % en 2022.
Toujours d'après la Dares, les établissements assujettis qui recourent le plus à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés sont ceux du secteur marchand de l'administration publique, l'enseignement, la santé et l'action sociale, suivis par les établissements de l'industrie. Inversement, ceux du secteur de l'information et de la communication y recourent le moins.
Qu'il soit moteur, mental, sensoriel ou psychique, le handicap peine encore à être compris par les employeurs. Pourtant, des aménagements et outils existent pour accompagner les travailleurs en situation de handicap, à condition de s'engager réellement pour leur embauche et leur maintien en emploi.
L'adaptation du poste de travail, la base de l'inclusion du handicap en entreprise
En France, la loi impose aux employeurs d'aménager les postes de travail pour les personnes handicapées. Selon le Code du travail (articles L5213-6 et suivants), l'employeur doit prendre les mesures appropriées pour permettre aux salariés handicapés d'accéder à un emploi correspondant à leurs qualifications ou de conserver un emploi qu'ils occupent.
Qui peut bénéficier d'un poste adapté ?
Contrairement aux idées reçues l’adaptation du poste de travail n’est pas réservée aux personnes en fauteuil roulant. Plusieurs salariés peuvent être concernés par une modification de leur environnement de travail :
• Les collaborateurs qui ont subi une réduction
de leur capacité à effectuer le travail qu'ils occupaient
précédemment à la suite d’une maladie ou d’un accident,
• Les salariés qui ont des incapacités temporaires
: c’est le cas de vos collaboratrices enceintes ou de personnes reprenant
un poste après une intervention chirurgicale par exemple,
• Les nouveaux entrants présentant un handicap reconnu :
reconnaissance
de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Les postes de travail peuvent également être modifiés pour les personnes qui, sans avoir de handicap ou d'incapacité reconnue, sont sensibles à certains risques présents sur leur lieu de travail (allergies, déficience sensorielle, etc.).
Comment adapter l'espace de travail ?
L'adaptation du poste de travail pour les personnes en situation de handicap est essentielle pour favoriser l'inclusion professionnelle, respecter les obligations légales et améliorer la productivité. Cette démarche permet aux employés handicapés de travailler dans des conditions optimales, en tenant compte de leurs besoins spécifiques.
Une personne à mobilité réduite n’a pas les mêmes besoins qu’un salarié présentant un déficit visuel. Le premier travail va donc consister à échanger avec le salarié pour comprendre concrètement ses difficultés.
Il est possible également de s’appuyer sur le médecin du travail pour définir précisément les modifications à apporter. L’objectif est que chaque salarié puisse travailler le plus correctement possible, avec un poste adapté sans prendre de risque pour sa santé.
Les adaptations à réaliser peuvent être de plusieurs ordres :
• Accessibilité des locaux :
rampes d'accès, ascenseurs adaptés, portes automatiques.
• Aménagements de l’espace de travail lui-même
: un bureau et/ou une chaise ergonomique, un éclairage variable, des
logiciels de reconnaissance vocale, un clavier en braille, un téléphone
sans fil, un véhicule de fonction avec commandes au volant, etc.
• Aménagements organisationnels : Horaires de
travail flexibles : Adapter les horaires pour permettre un meilleur
équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ou pour répondre à des
besoins médicaux spécifiques. Télétravail : Offrir la possibilité de
travailler à distance si nécessaire. Répartition des tâches : Ajuster les
responsabilités pour éviter les tâches impossibles ou difficiles à
réaliser en fonction du handicap.
• Aménagements de l’environnement de travail
au-delà des obligations en matière d’accessibilité : adaptation et
aménagements des ouvertures et des accès comme un ascenseur avec une
sonnerie claire et un affichage lumineux pour des malvoyants ou des
déficients auditifs.
Des aides pour soutenir les entreprises
Pour soutenir les entreprises, des aides et des financements sont disponibles via l’Agefiph pour le secteur privé, et le FIPHFP pour le public. Des conseils spécialisés sont également proposés par plusieurs organismes :
• Le réseau Cap emploi : Si vous avez pour projet de recruter des collaborateurs handicapés, prenez contact avec Cap emploi. Vous pourrez rencontrer un conseiller qui analysera avec vous vos postes de travail, leurs contraintes, les compétences requises. En apprenant à connaître votre entreprise, son fonctionnement, ses contraintes, ses valeurs, le conseiller pourra vous proposer, au moment où vous souhaiterez recruter, des candidats handicapés les mieux adaptés à vos besoins.
• L’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) est l’interlocutrice privilégiée de toutes les entreprises privées, quelle que soit leur taille, qui souhaitent développer une politique d’ouverture au handicap. L’Agefiph propose des services et aides financières pour recruter et maintenir dans l'emploi des collaborateurs handicapés.
• Dans la fonction publique, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP) collecte les contributions financières versées par les employeurs publics employant au moins 20 équivalents temps plein (ETP), soumis à l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap. Il propose également des aides ponctuelles sur sa plateforme en ligne.
• Votre organisation professionnelle peut également vous conseiller sur les démarches à suivre pour mettre en place une politique d’emploi.
• Le réseau des référents handicap : l’Agefiph anime dans toutes les régions des ateliers d’échange de pratiques avec les entreprises de son réseau.
Au-delà des mesures ciblées en faveur de l’insertion, il est nécessaire que la société change de regard sur le handicap, défend Pascale Ribes. Pour la présidente d’APF France Handicap, « les Jeux paralympiques 2024 ont permis d’être un aiguillon, de se rendre compte du retard. On espère que leur héritage fera naître un vrai plan d’action ».
Publié le 5 septembre 2024
Sources : Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion
professionnelle des personnes handicapées)
Ministère du travail : Emploi et handicap : la reconnaissance de la
qualité de travailleur handicapé (RQTH)
Vie Publique : Obligation d'emploi, travail adapté... Quelle
politique pour l'emploi des personnes handicapées ? mars 2024
Observatoire des inégalités : Emploi : la difficile insertion des personnes
handicapées – 28 novembre 2023
Le Monde : Handicap, inégalités professionnelles et politiques d’emploi
- 20 novembre 2023
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