Adoptée en 2003 après la catastrophe AZF, la loi « Risques » du 30 juillet 2003 a instauré les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) dans le but de protéger les populations. Vingt ans après, l’heure est au bilan. Et il est cinglant. Les communes accueillant des sites Seveso sur leur territoire jugent sévèrement les plans de prévention pour protéger les populations. Un « échec », juge Amaris, le réseau national des collectivités exposés aux risques industriels, dans un rapport publié mardi 19 septembre.
Créés par la loi « Risques » du 30 juillet 2003 (dite loi “Bachelot”) suite à l’accident d’AZF à Toulouse, les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) participent à la politique de maîtrise des risques industriels. Ils ont été instaurés dans les territoires accueillant des installations à haut risque dites « Seveso seuil haut » dans le but d’améliorer la protection des populations.
Les PPRT constituent la mesure phare de la loi du 30 juillet 2003. Ils concernent tous les établissements relevant du statut seuil haut, s’apparentant aux sites Seveso seuil haut au sens de la directive européenne Seveso et considérés comme tels au 31 juillet 2003. Ils visent à améliorer la coexistence des sites industriels à hauts risques existants avec leurs riverains, en améliorant la protection de ces derniers tout en pérennisant les premiers.
L’objectif des PPRT est la protection des populations. Ils peuvent conduire à l’encadrement de l’urbanisation future en instaurant des règles d’interdiction de construire et d’autorisation de construire sous conditions. Ils peuvent également entrainer la résorption des situations difficiles existantes en mettant en œuvre des mesures de protection du bâti et des mesures foncières d’expropriation et de délaissement.
378 PPRT (concernant les 400 sites Seveso seuil haut existant en 2003, contre 700 en 2023) sont aujourd’hui en vigueur. Ils touchent 800 communes, s’appliquent à des milliers d’entreprises et impactent la vie d’environ 9 millions de personnes (habitants et travailleurs). Pour les 300 autres sites Seveso seuils haut, de simples règles d’urbanisme s’appliquent désormais aux collectivités.
Vingt ans après, l’heure est au bilan. C’est un « échec », juge Amaris, le réseau national des collectivités exposés aux risques industriels, dans un rapport publié mardi 19 septembre.
Selon l’association, l’état n’entend plus y consacrer de moyens et considère que les collectivités doivent désormais prendre le relais. Celles-ci n’ont ni les moyens, ni l’ingénierie, ni la légitimité suffisante pour endosser cette charge.
La liste des « échecs patents » est longue selon Amaris
Certes, les PPRT ont contribué à réduire les risques à la source, reconnaît Amaris. Pour le reste, la liste des « échecs patents » est longue. Les collectivités soulignent que la protection des riverains dans leurs logements était le « principal objectif » des PPRT. Elle est aujourd’hui le « principal raté », jugent-elles.
La protection des habitants dans leurs logements : principal objectif, principal raté
75% des logements privés n’ont pas fait l’objet de travaux de mise en sécurité. 30 000 personnes sont toujours exposées à des risques industriels dans leurs habitations, selon les estimations de l’Amaris. Pourtant, à partir du 31 décembre 2023 et, progressivement selon les dates d’approbation des PPRT, ils ne seront plus accompagnés financièrement pour réaliser les travaux obligatoires.
Rappel du principe : Au-delà des zones de mesures foncières, les habitants ont pour obligation de réaliser des travaux de renforcement de leurs habitations (pose de vitrage ne se fragmentant pas sous l’effet d’explosion, aménagement de locaux permettant le confinement, etc.). Ces travaux bénéficient d’un financement de 90 % constitué de 40 % de crédit d’impôt, de subventions des industriels (25 %) et des collectivités percevant la contribution économiques territoriale (25 %). 10 % restent donc à la charge des riverains. Ces prescriptions de travaux sont plafonnées à 20 000 € par habitation ou 10 % de la valeur vénale du bien.
Dans les « zones rouges », où le danger est jugé potentiellement mortel, les PPRT prévoient deux mesures foncières : les expropriations et le délaissement (où le propriétaire a le choix entre demander le rachat de son bien ou rester en effectuant des travaux de sécurisation). La loi donne un délai de sept ans pour opter entre les deux. Trop court pour les collectivités. Sur 100 prescriptions, 81 logements ont été expropriés. En revanche, 45 % des habitants concernés par des mesures de délaissement (262 logements) vivent toujours en zone rouge, faute d’alternatives à un départ qu’ils refusent.
L’association et l’information des populations : le rendez-vous manqué
L’échec de la mise en œuvre des travaux de renforcement par les habitants est à relier à l’insuffisante association des populations à l’élaboration des PPRT ainsi que le manque d’information. Dans le cadre des PPRT, l’état a interpellé les habitants mais ne s’est pas donné les moyens de les écouter.
Rappel du principe : Il appartient au préfet de définir les modalités de la concertation relative à l’élaboration du projet de PPRT. Telle que définie réglementairement, cette concertation comprend des temps d’écoute, de dialogue et d’échanges directs avec toute personne intéressée. L’objectif de la concertation étant de faire participer les publics concernés au processus d’élaboration des PPRT, faire remonter les attentes, les questions locales ou particulières et y répondre.
Le volet communication avait pour but d’aider à la bonne compréhension de la démarche PPRT et de son avancement. Il était entendu que la concertation devait favoriser une bonne participation du public (réunions, sites internet de recueil d’avis...) et de préparer la mise en œuvre des PPRT, notamment sur deux volets sensibles et complexes : les mesures foncières et les travaux de réduction de la vulnérabilité.
La mise en sécurité des usagers des équipements publics : aucune solution pour un enjeu majeur
L’absence de financement et de cadre méthodologique, et l’ampleur du sujet (plusieurs communes ont dénombré des dizaines d’équipements exposés), ont conduit les collectivités à la paralysie.
Rappel du principe : La règle de l’expropriation ou du délaissement n’est pas applicable aux biens publics. Leurs relocalisations en dehors des zones rouges ne bénéficient donc pas de financement. Pour les zones bleues, le Code de l’environnement précise les obligations de la collectivité, propriétaire ou gestionnaire d’un équipement public. Il lui appartient d’organiser l’information et la mise en sécurité des personnes dans le cadre des règlementations applicables, c’est-à-dire les règlementations relatives aux équipements recevant du public (ERP), au Code du travail, etc.
La protection dans les entreprises riveraines : l’angle mort des PPRT
Près de 20 ans après la catastrophe d’AZF, la mise en protection des salariés reste toujours une étape à franchir. Faute d’être accompagnés et informés, les acteurs économiques disposent d’un très faible niveau d’appropriation des enjeux des PPRT et des obligations qui pèsent sur eux. Malgré les nombreuses alertes des collectivités et des évolutions réglementaires obtenues en 2015, sans moyens alloués ni réelle volonté, rien n’a été fait.
Les propositions d’AMARIS
« Ces différents échecs sont directement imputables à l’insuffisance des moyens et des outils mis à disposition des collectivités par l’Etat », estime Amaris.
L’association formule une vingtaine de propositions dont l’élaboration d’une « stratégie nationale PPRT » pour les dix prochaines années déclinée en « feuilles de route » au niveau local, la création d’un fonds national pour la prévention des risques industriels alimenté par une taxe sur les sites Seveso ou encore d’intégrer les effets du changement climatique dans les études de danger.
Face au réchauffement climatique, à l’augmentation des accidents industriels provoqués par des aléas naturels, à la stratégie de réindustrialisation, à la montée en puissance de politiques publiques concurrentes, la réglementation doit évoluer selon AMARIS. Par ailleurs, AMARIS considère qu’il est nécessaire de mettre en cohérence les multiples outils réglementaires dédiés aux risques (PPRT, PAC, SUP, PPRN, PPRI, etc.) pour qu’ils soient réellement intégrés dans les politiques d’aménagement du territoire et de planification.
TÉLÉCHARGER LE BILAN DES PPRT 2003-2023
Publié le 21 septembre 2023
Source : AMARIS, le réseau national des collectivités exposés aux risques industriels
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