Comme chaque année, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a produit son rapport sur le risque radioactif au travail en 2021. L’an dernier, les confinements et restrictions d’activités dus à la COVID-19 avaient produit un effet inédit avec une diminution de l’exposition à la radioactivité pour raisons professionnelles. Un phénomène pour l’essentiel provoqué par l’annulation des activités prévues – vols pour les personnels navigants des compagnies aériennes ou opérations de maintenance sur les centrales nucléaires d’EDF. Qu’allait donner l’année 2021, avec un retour vers des niveaux moins amoindris d’activités ?
Le système informatisé de suivi des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants recensait 392 180 personnes en 2021. Curieusement, le graphique de l’IRSN affiche une augmentation de 1,2% des effectifs… illustré par des histogrammes en diminution et une flèche vers le bas.
p>Logiquement, une légère augmentation, de 1,2%, du nombre de travailleurs suivis a été observée, avec un total de 392 380. La dose collective reçue, est elle aussi en augmentation, avec 82,7 H.Sv (Homme Sievert) pour 2021 contre 72,5 H.Sv en 2020. Une dose due pour 73 % aux sources artificielles de rayonnements et à 27 % aux rayonnements d’origine naturelle, notamment pour les personnels des compagnies aériennes. Malgré cette augmentation de 14%, observée partout mais surtout dans la maintenance nucléaire, la dose collective demeure inférieure à celle de 2019 avec 112,3 H.Sv. La dose moyenne annuelle suit la même évolution, avec 0,85 mSv (millisievert) en 2021 contre 1,20 mSv en 2019 et reste en dessous des cinq années précédentes.
Dose zéro
Les trois quart des travailleurs suivis ont reçu une dose zéro, ou une dose inférieure à la limite d’enregistrement, fixée à 0,1 mSv.
Les trois quart des travailleurs suivis n’ont enregistré aucune dose externe (ou une dose inférieure à la limite de détection des instruments).
Quant aux près de 25% des travailleurs ayant reçu une dose mesurables, ils se répartissent ainsi pour la dose moyenne par grands domaines d’activité :
Les doses moyennes annuelles par grands domaines d’activités montrent que celles des personnels navigants des compagnies aériennes – due à la radioactivité naturelle des rayons cosmiques – se situe au deuxième rang.
Enfin, pour les 24 419 travailleurs ayant reçu plus de 1 mSv – la limite annuelle réglementaire fixée pour l’exposition de la population générale aux rayonnements d’origine industrielle – l’IRSN en compte 2712 qui ont reçu une dose annuelle supérieure à 5 mSv, soit le quart de la dose maximale admise. Une seule dose externe annuelle supérieure à 20 mSv – la limite réglementaire de la dose annuelle pour les travailleurs – a été enregistrée pour un travailleur dans le domaine médical. Un cas de dépassement de la limite de dose équivalente à la peau (500 mSv) et un cas de dépassement de la limite de dose équivalente au cristallin ont été également enregistrés.
Tous les chiffres qui précèdent concernent l’exposition externe. Pour l’exposition interne, due à la contamination du corps par inhalation ou ingestion de particules radioactives, 232 140 analyses réalisées en routine (excretas – selles et urines notamment – et anthroporadiométries) ont révélé trois cas de contamination avec une dose supérieure ou égale à 1 mSv la plus élevée étant de 11,3 mSv.
Radioprotection
Ces doses individuelles peuvent se comparer à l’exposition générale à la radioactivité de la population française, ainsi présentée dans un rapport de l’IRSN paru en 2021 :
Dose moyenne reçue par la population française. Ces chiffres comprennent l’exposition à la radioactivité utilisée en médecine pour le diagnostic, en revanche ils ne tiennent pas compte des doses beaucoup plus élevées utilisées en radiothérapie. La dose de radioactivité naturelle reçue peut varier considérablement selon le lieu d’habitation, plus faible en zone sédimentaire, nettement plus élevée en zone granitique (Bretagne, Limousin par exemple) en raison du radon.
Le tableau général ci-dessous permet de comparer avec les années antérieures jusqu’en 2015. Il montre zéro cas supérieur à 20 mSv en 2021, l’écart avec l’annonce d’un cas dans le rapport s’explique simplement : survenue dans le domaine médical pour une dose cumulée de 25,8 mSv, elle est calculée sur 12 mois glissants de juin 2020 à mai 2021, et non sur l’année civile. Le soin avec lequel la radioprotection professionnelle est exercée se lit dans les tous petits nombres de cas dépassant une réglementation pourtant sévère (elle était de 50 mSv jusqu’en 2003), et du même ordre de grandeur qu’un scanner abdominal dont la dose est d’environ 17 mSv, mais reçue en une seule fois).
L’évolution sur longue durée, depuis 1998, indique que les dispositifs de radioprotection ont permis de plus que compenser l’augmentation du nombre d’utilisateurs de la radioactivité et le vieillissement des installations :
La répartition par grands domaines d’activité des doses supérieures à la limite réglementaire des 20 mSv montre que, depuis 2005, c’est surtout l’amélioration de la radioprotection des utilisateurs dans le domaine médical et vétérinaire que l’on doit la décrue en dessous de dix et parfois jusqu’à l’unité du nombre de cas recensés.
La répartition des doses supérieures à 20 mSv par an par domaines montre que le secteur nucléaire est à zéro depuis 2014, elle est même de zéro entre 15 et 20 mSv pour l’année 2021, tandis que la décrue générale depuis 2005 s’exerce surtout dans le domaine médical et vétérinaire, un résultat de l’action plus sévère qu’auparavant dans ce domaine de l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
Dans le domaine nucléaire, 87 831 travailleurs ont été suivis en 2021, enregistrés dans le système Siseri utilisé par l’IRSN pour toutes les personnes exposées à un risque radioactif professionnel. Parmi eux, 11 185, soit près de 13% des effectifs, ont reçu une dose externe supérieure à 1 mSv. Et trois d’entre eux une dose interne supérieure à 1 mSv. Leur dose collective reçue augmente de 20% par rapport à 2020, une conséquence directe de l’augmentation importante des travaux de maintenance dans les centrales, avec la fin des restrictions dûes à la COVID-19. L’IRSN note une légère augementation, de 1,20 à 1,33 mSv de la dose individuelle moyenne reçue (donc non compte tenu des doses zéro). Mais le soin apporté à la radioprotection se lit dans le zéro dose au dessus de 15 mSv, nettement en dessous des 20 mSv réglementaires. Toutefois, un cas de dépassement de la limite à été observé pour une dose à la peau calculée ) 818 mSv pour le cm² le plus exposé pour un travailleur d’une centrale d’EDF.
Fabrication du combustible
Le détail par activités montre que c’est toujours la fabrication du combustible qui entraine les doses individuelles moyenne les plus élevées, avec 2,48 mSv. Tandis que 68% des doses entre 10 et 15 mSv sont reçues par les travailleurs de la logistique et de la maintenance. La surveillance des doses au cristallin de l’oeil se renforce, notamment pour les opérations de démantèlement.
Le détail par activités montre que 68% des doses entre 10 et 15 mSv est reçue par les personnels de maintenance et logistique, tandis que la dose moyenne individuelle la plus forte, avec 2,58 mSv survient dans la fabrication du combustible, principalement à l’usine Melox de Marcoule en raison de l’exposition aux flux de neutrons. La dose individuelle la plus élevée reçue est de 14 mSv, dans le secteur de la maintenance et de la logistique, le seul secteur où moins de 50% des effectifs ont zéro dose.
L’IRSN porte comme les années précédentes une attention particulière au secteur de la logistique et de la maintenance qui cumule le plus de prestataires d’EDF et les doses les plus nombreuses entre 10 et 15 mSv. L’année 2021 montre un retour aux doses observées avant la COVID-19 avec les doses moyennes individuelles maximales (3,6 et 3,5 mSv) pour les opérateurs de tirs mobiles et les robinetiers et plombiers. C’est parmi les personnels itinérants entre site que l’on note la plus forte proportion des doses supérieures à 5 mSv.
Pour le sous-secteur maintenance et logistique du nucléaire, la répartition des doses entre travailleurs attachés à un seul site et itinérants (donc à partir de 2 sites).
Enfin, l’IRSN a poursuivi le zoom qu’elle opère sur 524 travailleurs concernés par les opérations de démantèlement en cours sur le site d’EDF de Chooz, les installations d’Orano à La Hague et le site du CEA de Fontenay-aux-Roses. Au total, les doses moyennes (0,26 mSv) et maximales (4,3 mSv) sont restés faibles en comparaison de celles du secteur nucléaire.
Publié le 5 décembre 2022
Source : Le Monde - Sylvestre Huet
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