
Selon une étude de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, environ un Européen sur dix a été victime de violence au travail au cours des douze derniers mois, incluant des agressions verbales ou physiques |
Démarche de prévention des violences internes au travail
Selon Marc Favaro (2014)
« Mécanismes organisationnels de formation des violences au travail. Proposition d’un modèle-cadre pour comprendre et intervenir »
Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS).
En France, les violences au travail englobent diverses formes, notamment les agressions verbales, physiques et psychologiques. Selon une étude de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, environ un Européen sur dix a été victime de violence au travail au cours des douze derniers mois, incluant des agressions verbales ou physiques.
(sources : https://cdse.fr/les-evolutions-de-la-violence-au/ )
En France, une enquête Ipsos de 2000 révèle qu'un tiers des salariés se sont sentis harcelés moralement, avec 50 % d'entre eux identifiant la hiérarchie comme source du harcèlement, 25 % pointant des collègues, et 25 % les deux.
(sources : https://shs.cairn.info/violences-et-societe-aujourd-hui--9782361060145-page-111?lang=fr )
Le document "Mécanismes organisationnels de formation des violences au travail" de Marc Favaro présente une analyse approfondie des violences au travail, en les abordant sous l'angle organisationnel. Il propose un modèle de compréhension et d'intervention basé sur des données issues de la littérature scientifique et d'une recherche-intervention en entreprise.
L'objectif est de dépasser une approche purement individuelle de la violence au travail en explorant les facteurs structurels et systémiques qui contribuent à son apparition. L'étude repose sur une approche systémique et qualitative, mobilisant des concepts issus des sciences humaines et des psychologies organisationnelle, clinique et cognitive.
1. Violences au travail : éléments de définition
1.1. Définition générale
La violence est un phénomène universel et multiforme, qui s'exerce à travers différents contextes sociaux et professionnels. L'Organisation internationale du travail (OIT) la définit comme "un ensemble d'incidents dans lesquels des personnes sont abusées, menacées ou agressées en relation avec leur travail".
Dans le cadre professionnel, la violence peut être physique, verbale ou psychologique, et se manifester sous diverses formes : agressions, harcèlement, incivilités, maltraitance, etc. Elle peut être à la fois interne (entre collègues, entre employés et hiérarchie) et externe (provenant de clients, usagers ou autres acteurs extérieurs).
1.2. Problématique de l'intentionnalité
La question de l'intentionnalité est cruciale. Certains modèles mettent l'accent sur l'intention d'agresser, tandis que d'autres considèrent la violence comme une réaction à des situations de souffrance . Marc Favaro propose de distinguer :
- Violence actionnelle : intentionnelle et délibérée.
- Violence réactionnelle : réponse à une situation de stress ou d'injustice.
1.3. Modèle systémique
Plutôt qu'une approche individuelle, Favaro met en avant une lecture systémique de la violence. Celle-ci est perçue comme un produit des interactions organisationnelles, influencée par des facteurs structurels (règles de fonctionnement, organisation du travail, rapports de pouvoir) et contextuels (pression au rendement, instabilité, déséquilibre relationnel).
2. Principaux modèles théoriques
Le document présente plusieurs modèles existants pour expliquer les violences au travail :
Modèle de Poyner et Warne (1986)
Ce modèle repose sur une interaction entre l'agresseur, la victime, la nature de l'interaction et le contexte organisationnel. Il met l'accent sur les violences externes.
Modèle de Neuman et Baron (1998)
Il introduit une approche plus complète, avec des facteurs sociaux, situationnels et personnels qui influencent l'agressivité au travail.
Modèle de Tobin (2001)
Il met en avant la frustration organisationnelle comme moteur principal de la violence.
Modèle de Jauvin (2003)
Ce modèle définit trois niveaux d'analyse : micro (facteurs individuels), meso (interactions interpersonnelles) et macro (facteurs organisationnels et sociaux).
Limites des modèles existants
Ces modèles présentent certains biais, notamment une tendance à sous-estimer les boucles de rétroaction et les interactions systémiques. Favaro propose donc un modèle de situations de violences au travail (MSVT) , plus adapté aux réalités complexes des entreprises.
3. Méthodologie
3.1. Terrain d'étude
L'étude s'est appuyée sur une recherche-intervention menée dans une entreprise de transport urbain employant environ 700 personnes .
3.2. Collecte des données
· Entretiens semi-directifs avec des employés et responsables.
· Observation des conditions de travail et des interactions sociales.
- Analyse documentaire (rapports internes, enquêtes de terrain).
3.3. Approche analytique
L'étude mobilise à la fois une analyse qualitative et systémique , en prenant en compte les dynamiques d'organisation et de communication qui structurent les violences observées.
4. Mise en œuvre du modèle
4.1. Schématisation des violences organisationnelles
Favaro identifie plusieurs patterns organisationnels favorisant les violences :
- Instabilité des règles : Des consignes peu claires ou contradictoires peuvent créer de la confusion parmi les employés, entraînant des tensions et des frustrations. Par exemple, un salarié reçoit des instructions contradictoires de deux supérieurs hiérarchiques différents, générant du stress et des conflits.
- Dérives de fonctionnement : L'abus de pouvoir et le manque de reconnaissance alimentent un climat de méfiance et de ressentiment. Un manager qui impose des heures supplémentaires sans concertation ou un employé dont les efforts ne sont jamais reconnus peut développer un sentiment d'injustice.
- Perturbateurs organisationnels : Les réorganisations fréquentes, les suppressions de postes ou les objectifs irréalistes créent un stress permanent. Par exemple, une entreprise change de logiciel de gestion tous les six mois sans former correctement ses employés, ce qui provoque des erreurs et des tensions.
- Violences internes : Le harcèlement moral, les discriminations ou les mises à l'écart participent à un environnement toxique. Un collègue qui subit des remarques désobligeantes quotidiennes de la part de son équipe ou un employé discriminé en raison de son âge ou de son genre en sont des exemples.
- Violences externes : Les employés en contact avec le public peuvent être victimes d'agressions verbales ou physiques. Un guichetier insulté par un client mécontent ou un chauffeur de bus menacé par un passager illustre cette forme de violence.
4.2. Articulation des différents facteurs
Les violences ne sont pas des événements isolés, mais des processus interconnectés qui s'auto-entretiennent. L'auteur met en avant une logique de circularité où les dysfonctionnements organisationnels engendrent des tensions, qui à leur tour renforcent ces dysfonctionnements.
5. Discussion et perspectives
5.1. Intérêts du modèle
Le MSVT permet une meilleure compréhension des violences au travail en insistant sur les dimensions structurelles et collectives. Il sert aussi de base à des actions de prévention plus ciblées.
5.2. Prévention et interventions possibles
- Mieux réguler les relations hiérarchiques : Mettre en place des formations pour les managers sur la communication et la gestion des conflits afin d'éviter les abus de pouvoir et améliorer la qualité du leadership. Par exemple, organiser des sessions de médiation entre employés et encadrement pour prévenir les tensions.
- Clarifier les missions et règles de fonctionnement : Élaborer des processus clairs et transparents pour les décisions managériales afin de limiter l’instabilité des règles et les incompréhensions. Par exemple, instaurer un guide des procédures accessible à tous.
- Développer une culture organisationnelle de prévention : Mettre en place un service de médiation interne, offrir des espaces de parole aux employés pour signaler leurs difficultés et proposer des actions de sensibilisation à la lutte contre le harcèlement et les violences. Par exemple, organiser des journées de prévention et de sensibilisation avec des experts du domaine.
5.3. Limites et perspectives
Malgré son intérêt, le MSVT reste perfectible. Une approche plus quantitative pourrait compléter les analyses qualitatives pour affiner les recommandations.
Conclusion
Ce document apporte une contribution importante à la compréhension des violences au travail. Son approche systémique et organisationnelle permet de mieux cerner les enjeux et d'envisager des actions de prévention plus efficaces et adaptées aux réalités du monde professionnel.
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