Le poste de travail est un déterminant social prépondérant dans la constitution d’inégalités en Santé et Sécurité au Travail : les activités professionnelles recouvrent de fortes disparités de risques et ces réalités de situations de travail très différentes pèsent considérablement à la fois sur la fréquence et la gravité des accidents du travail.
Le poste de travail est un déterminant social prépondérant dans la constitution d’inégalités en Santé et Sécurité au Travail : les activités professionnelles recouvrent de fortes disparités de risques et ces réalités de situations de travail très différentes pèsent considérablement à la fois sur la fréquence et la gravité des accidents du travail.
Le risque professionnel est une éventualité permanente de toutes les situations de travail, plus ou moins probable et dommageable selon la nature du travail et les conditions dans lesquelles l'activité professionnelle est exercée. Les conséquences éventuelles du risque professionnel peuvent revêtir la forme de l'accident du travail : les effets inégaux du travail sur la santé et la sécurité peuvent ainsi être approchés par le biais des statistiques des accidents du travail.
L'accident du travail est un événement non souhaité et inopiné provoqué lors d'une tâche prescrite à un travailleur pendant son activité professionnelle, c'est-à-dire survenu dans le cours et par le fait de l'exécution du contrat de travail, et qui produit un dommage corporel, une lésion (exemples : brûlure, électrisation, lombalgie, fracture d'un membre, …). Et le taux d’accident est ainsi un indicateur de la pénibilité du travail (hors la charge mentale d’une activité professionnelle), qui mesure aussi les inégalités de risque dans le travail entre plusieurs types de situation professionnelle.
La notion de risque professionnel est toutefois plus complexe : l’accident ne prend en compte que les conséquences dommageables des aléas (risque aryétique), ce qui n’est pas parfait, car le fait d'omettre les événements sans conséquence peut masquer des risques réels, mais il s’agit d’une approche pragmatique.
Par ailleurs, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress causé par certaines méthodes de management, la mauvaise gestion des ressources humaines, les contraintes organisationnelles et le technostress de l’économie 4.0 : ce qui provoque des risques psychosociaux en augmentation et, de fait, la santé psychologique au travail est une problématique devenant de plus en plus préoccupante, qui n’est pas mesurée (ou très peu) au moyen du taux d’accident du travail. Aux risques physiques se sont progressivement substitués des risques psychologiques, surtout pour les emplois de bureau, les professions intermédiaires et d’encadrement, faisant l’objet jusqu’à présent d’une très faible prise en compte quantitative (burn-out …).
Les indicateurs de santé et sécurité au travail
Issus des déclarations d'accidents du travail, des ratios utilisant le nombre d'accidents du travail permettent d'avoir une estimation relative de la situation par segment. Ces indicateurs, pour être pertinents et permettre une réflexion et action ciblées, sont disponibles sur une segmentation assez fine : par métier, par statut (CDI / CDD / intérimaires), par genre (hommes / femmes), par tranche d'âge, par catégorie socioprofessionnelle, par secteur d’activité, par cause d‘accident, par type de blessure etc. Cette segmentation permet de prendre en compte les variabilités dans le temps et inégalités par segment.
Par exemple :
- Taux de fréquence (TF) : nombre d'accidents avec arrêt de travail supérieur à un jour (°), survenus au cours d'une période annuelle pour un million d'heures travaillées.
Est considéré comme accident du travail (AT), tout accident provoquant une lésion, quelle qu’en soit la cause, survenu par le fait ou à l’occasion du travail (y compris l’accident de trajet sur son lieu de travail, ce qui rend certaines comparaisons internationales délicates).
(°) pour ne prendre en compte que les accidents liés au travail qui requièrent un traitement allant au-delà des premiers soins
- Taux de gravité (TG) : nombre de journées indemnisées pour 1 000 heures travaillées (c'est-à-dire le nombre de journées perdues par incapacité temporaire pour 1 000 heures travaillées).
Quelques sources fondamentales : pour la France : Caisse Nationale d'Assurance Maladie (Publications Risques professionnels ameli.fr : Rapports annuels) ; pour l’Union Européenne : EUROSTAT (ILOSTAT : ilostat.ilo.org/fr/data/).
Les facteurs majeurs d’inégalité en Santé et Sécurité au Travail
Le risque d’accident du travail est très lié aux caractéristiques du poste occupé et du travailleur : âge, sexe, métier, secteur d’activité, catégorie socioprofessionnelle, statut, taille de l’établissement :
- tous ces facteurs déterminants du risque sont fortement dépendants les uns des autres : ainsi, le risque élevé d’accidents du travail dans un segment est en partie lié à ses caractéristiques corrélées les unes aux autres. Exemples : les PME ont une plus forte proportion d’ouvriers qui exercent dans des secteurs d’activité plus accidentogènes, les métiers dangereux sont principalement exercés par des hommes, les statuts précaires concernent surtout les jeunes travailleurs … ;
- ces facteurs discriminent grandement les taux d’accidents du travail avec de fortes disparités, certains métiers étant très nettement plus accidentogènes que d’autres (et ceci dans un même secteur, ou autre caractéristique égale par ailleurs).
Par exemple, avec une combinaison de plusieurs facteurs significatifs, une catégorie typique de salarié la plus largement exposée est l’ouvrier homme jeune travaillant dans une PME du BTP ou de maintenance et de statut précaire (CDD, intérim).
Les disparités en SST par catégorie socioprofessionnelle et par âge
Les différences d’exposition au risque selon la catégorie socioprofessionnelle sont évidemment très marquées, les ouvriers étant plus fréquemment et plus durement touchés par les accidents du travail du fait de leur métier aux taches physiques pénibles.
La décroissance du risque avec l’âge s’observe pour toutes les catégories socioprofessionnelles mais elle est plus notable chez les ouvriers. S’ajoutant au manque d’expérience, l’effet de structure d’emplois explique en partie cette surexposition des jeunes travailleurs car ils travaillent plus souvent dans des métiers où le risque d’accident est important, avec en plus des statuts précaires qui augmentent leur vulnérabilité. Par contre, la part des AT graves augmente fortement et régulièrement avec l’âge, avec l’altération progressive des principales capacités fonctionnelles et physiologiques.
Les disparités en SST par sexe : spécificités des risques professionnels des femmes
Les hommes sont plus fréquemment victimes d’un accident du travail que les femmes et la différence entre hommes et femmes est encore plus marquée pour les accidents mortels : les hommes représentent environ 60 % des heures salariées mais plus de 90 % des accidents mortels. Ceci s’explique principalement par le fait que les activités les plus risquées sont souvent exercées en majorité par des hommes.
Si les hommes subissent donc plus fréquemment des accidents de travail que les femmes (en 2018, pour un hommes 21 accidents de travail par million d’heures et pour une femme 18), les accidents du travail qui touchent les femmes ne cessent de progresser, particulièrement dans le BTP et les transports : les femmes entrent désormais dans les secteurs à prédominance masculine dans des postes plus exposés au risque d’accident de travail. De plus, dans les secteurs de la santé et du social, du nettoyage, du commerce, les femmes exercent des métiers et occupent des postes de travail où les risques professionnels sont vraisemblablement sous-évalués.
Mais par type de risque, les femmes ont des spécificités évidentes en matière de risques professionnels, du fait notamment de l'utilisation de substances toxiques pour la reproduction. En effet, de nombreux produits chimiques (plomb, pesticides, benzène, mercure, …), agents biologiques (rubéole, toxoplasmose…) ou physiques (bruit, vibrations…) ou radiologiques peuvent altérer la fertilité, entraîner des malformations congénitales ou perturber la grossesse et le développement du fœtus (risque tératogène et d'intoxication fœtale). Les autres problèmes de santé spécifiques aux femmes au travail concernent leurs aptitudes physiques (port de charges) qui les fragilisent ou les dangers pour leur santé mentale (harcèlement sexuel, violence au travail) auxquels elles sont beaucoup plus sensibles que les hommes.
Le Code du travail impose la prise en compte par les entreprises de " l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe " dans la rédaction du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP).
Les secteurs d’activité les plus accidentogènes
· Le BTP est le secteur où l’on dénombre proportionnellement le plus d’accidents du travail (environ le double de la moyenne nationale).
Au sein même des secteurs les plus touchés, des inégalités apparaissent : certains métiers se révèlent extrêmement risqués. Dans la construction, les travailleurs sur échafaudage ou sur toiture sont les métiers les plus touchés par les accidents du travail. En dehors du secteur du bâtiment, parmi les métiers qui sont hyper exposés : marin-pêcheur, bucheron et élagueur, ouvrier de maintenance, éboueur, chauffeur routier, conducteur d’engin agricole, cariste, déménageur ou encore les manutentionnaires portuaires ou des drives de la Grande Distribution et les métiers du spectacle et du sport. Enfin, les agressions physiques et verbales au travail, en forte croissance, proviennent en grande majorité de situations d’employés en relation avec le public.
À l’opposé, les secteurs les moins accidentogènes sont l’informatique, la banque/assurance ...
- Dans le bâtiment et les travaux publics, l’environnement d’un chantier évolue en permanence et chaque ouvrage de construction ou de rénovation du BTP est un travail non récurrent et évolutif, puisque chaque chantier est spécifique et se modifie selon l’avancement des opérations. Ce qui rend délicates les mesures de prévention à ajuster constamment pour rester totalement adaptées : le bâtiment et les travaux publics représentent le quart des accidents mortels du travail alors qu’il compte moins de 10% de la population active. Les accidents sur chantier BTP sont donc relativement beaucoup plus fréquents que dans les autres branches d’activité économique et peuvent être extrêmement graves. En effet, les chantiers BTP sont soumis à des contraintes supérieures à celles qu’on peut rencontrer dans une usine ou un atelier :
- travail non récurrent, puisque chaque chantier est spécifique ;
- travail en extérieur, soumis aux conditions climatiques, à un sol inégal
... ;
- travail en coactivité, c’est-à-dire intervention de plusieurs corps de
métier simultanément (ex. : couvreur et maçon qui travaillent ensemble sur
un ravalement).
Le taux de sinistralité professionnelle du bâtiment est ainsi supérieur à la moyenne, avec des accidents graves et parfois mortels plus fréquents, et des nécessités de reclassement assez souvent indispensables (lombo-dorsalgies, allergies cutanées...), dues à conséquences physiques invalidantes obligeant parfois les ouvriers du BTP à restreindre ou à cesser définitivement leur activité professionnelle.
Les échafaudages sont des équipements de travail indispensables pour le secteur du bâtiment afin garantir l'efficacité et la sécurité des travaux durant chaque phase de construction ou de réparation : mais les travaux nécessitant l’utilisation d’un échafaudage demeurent à l’origine du risque majeur d’accidents graves dans les entreprises du BTP (chutes de hauteur, chute d’objet, effondrement d’échafaudage…). Presque la moitié de l’ensemble des manquements relevés par les inspecteurs lors de leurs visites de chantiers porte sur le mauvais état ou l’utilisation incorrecte d’échafaudages.
Les travaux de toiture et de ravalement réalisés par les charpentiers, les couvreurs, les zingueurs, les façadiers, figurent parmi les plus dangereux du BTP, notamment du fait du risque évident de chute de hauteur.
- Les manutentions sont la première cause des accidents de travail (hors trajets) enregistrés par la Sécurité Sociale. Les manutentions sont à l'origine d'un tiers environ des accidents déclarés dans les entreprises. Les dangers sont liés au type de manipulation (manuelle ou mécanique), à la nature des charges, … Presque toutes les entreprises sont concernées par les manutentions mais les accidents du travail sont particulièrement fréquents dans le secteur de la logistique qui est en pleine expansion avec le développement général de l'activité des centres de distribution et plateformes du e-commerce.
- Pour les conducteurs de chariot de manutention automoteur, de nombreux accidents mortels ou significatifs sont à déplorer (renversement, collision, chute de charge) : chaque année, on dénombre en moyenne plus de 8000 accidents avec arrêt de travail pour les magasinier-caristes avec environ une dizaine de salariés tués. La circulation interne en entreprise, à l’intérieur ou à l’extérieur des bâtiments, constitue un risque constant souvent sous-estimé, car les facteurs qui contribuent aux accidents sont quotidiens et d’apparence banale et sont présents dans toutes les activités industrielles au point de représenter une grande part des accidents du travail, avec des traumatismes pouvant être graves voire mortels.
- Les manutentionnaires travaillant dans les installations portuaires ont un métier présentant de lourdes contraintes physiques, et les opérations conduites avec de nombreux engins de levage et de déplacement de charges représentent des dangers importants pour eux-mêmes ou leurs compagnons de travail. L'élingage des charges notamment recèle de sérieux risques (rupture de l'élingue, déséquilibre et glissement de la charge) pour le docker ou les travailleurs à proximité.
- Les déménageurs sont confrontés à des nombreux risques physiques entrainés par la manipulation et le transport manuels d'objets lourds et encombrants (fréquence et gravité très élevées des lombalgies et dorsalgies).
- La Grande Distribution (hypermarchés et supermarchés alimentaires ou de bricolage, …) est l'un des plus importants employeurs, et ce secteur se caractérise par un nombre élevé d'accidents de travail liés notamment aux manipulations et manutentions manuelles, dans les rayons, magasins et aux caisses, qui en sont la principale cause (devant les chutes et glissades de plain-pied et les coupures avec les outils à main). Le développement général de l'activité des drives a accru fortement les accidents du travail liés aux manutentions manuelles ou aux ports de charges, avec un nombre excessif de manipulations et mouvements (torsion, déplacement, soulèvement).
· Les informations collectées et analysées par l'association AFIM (Association Française des Ingénieurs et responsables de Maintenance) ont établi un état des lieux préoccupant en termes de santé et de sécurité pour les métiers de maintenance :
- une occurrence d'accident grave 3 fois supérieure à la moyenne nationale,
- une occurrence de maladie 6 fois supérieure,
- une occurrence de mortalité 8 fois supérieure.
En effet, le personnel de maintenance est amené à effectuer de nombreuses interventions qui soulèvent généralement des problèmes de sécurité :
- elles ne sont pas toujours répétitives et par suite, soumises à de
nombreux aléas ou situations inhabituelles,
- très diversifiées, souvent conduites sur des équipements en
fonctionnement,
- sur des éléments d’équipements ou de machines difficilement accessibles
au démontage et au remontage, et / ou lourds à manipuler,
- exposant au contact avec des pièces nues sous tension ou fluides sous
pression,
- avec une temporelle forte, surtout si la machine en cause est vitale pour
la production,
- avec une lourde charge mentale pour des systèmes industriels automatisés
qui deviennent plus complexes et donc plus difficiles à maintenir en état,
- souvent sous-traitées, donc avec du personnel connaissant peu ou pas du
tout les lieux,
- elles peuvent s’effectuer de jour comme de nuit, souvent dans des espaces
clos, mal éclairés, exigus voire insalubres, …
- Les agriculteurs sont soumis à de nombreux dangers inhérents aux multiples risques professionnels auxquels ce métier est exposé, avec un taux de sinistralité professionnelle agricole supérieur à la moyenne, avec des maladies et accidents graves et parfois mortels plus fréquents. Ces travaux agricoles comportent en effet une combinaison de risques naturels et de risques liés à l'emploi de produits et de machines dangereux :
- Risques physiques liés à la nature des exigences et postures du travail
agricole (ports de charges lourdes, manutentions...) et au matériel utilisé
(conduite d’engins agricoles, parties mobiles en mouvement des machines
...),
- Risques chimiques liés à l’ensemble de procédés et produits mis en œuvre
(pesticides, engrais chimiques, lubrifiants ...),
- Risques biologiques liés aux contacts avec des animaux, insectes ou
micro-organismes divers (poussières et engrais organiques, ...).
Des conditions de travail particulières aggravent manifestement les conséquences de la dangerosité intrinsèque du métier d’agriculteur :
- Le travail avec des horaires atypiques selon les saisons (moisson ...),
- Le travail isolé des travaux agricoles de plein champ, avec retard dans
l’alerte et éloignement des centres de secours, facteur majorant de
gravité,
- L'exposition à la chaleur ou au froid, au vent (refroidissement éolien)
et à l'humidité, aux rayons ultra-violets solaires dans ce métier
s'exerçant à l'extérieur.
- Les professionnels de l’élevage sont exposés à des risques supérieurs à la moyenne, induisant de nombreux accidents du travail parfois mortels ou invalidants.
Les activités de l’élevage des animaux terrestres concernent des secteurs très divers, selon le type d’utilisation des animaux (viande, compagnie, sport, recherche...), et selon l’espèce animale (mammifères ou volailles, animaux domestiques ou sauvages...).
Malgré cette diversité, les risques professionnels de l’élevage présentent des similitudes liées aux contacts, manipulations ou contentions des animaux pour soins et traitements (zoonoses, blessures, allergies), et aux conditions spécifiques de travail dans les locaux des animaux (sols glissants, poussières, souillures, odeurs...), en plus des risques classiques associés à un métier physique (contraintes posturales, gestes répétitifs...) et nécessitant l’utilisation fréquente de produits de nettoyage, de désinfection et de produits phytosanitaires. Par ailleurs, un certain nombre de métiers de l’élevage exige un travail à l’extérieur (herbages...) exposant aux intempéries et aux conditions d’un travailleur isolé majorant la gravité des dangers.
- Les opérateurs sur machines mettant en œuvre des machines conventionnelles (tour, fraiseuse, aléseuse, scie circulaire, meuleuse, disqueuse …) ou à commande numérique (centre d'usinage) s’exposent à des dangers de nature physique importants (coupures, écrasements, entraînements, cisaillements, happements, poussières dans l’œil…) causés par les outils ou pièces en mouvement, en particulier lors des mises en marche intempestives, des arrêts anormaux suite à un bourrage ou à une rupture d’énergie . Les risques auxquels sont exposés les ouvriers sur machine peuvent être d'origine mécanique ou bien liés aux sources d'énergie qui alimentent la machine (électricité, air comprimé…), ou dus à des nuisances incontrôlées (bruit, vibrations...).
Les opérations de nettoyage et de maintenance, les réglages, les démarrages des machines sont les sources principales d'accidents majeurs (par exemple, projection de bris de machine ou d’outillage, fréquent enroulement des cheveux et des vêtements).
Une mauvaise conception des moyens de protection ou des circuits de commande des machines peuvent ainsi être à l'origine de dysfonctionnements avec des conséquences quelquefois graves pour la sécurité des opérateurs ou des personnes qui interviennent à proximité.
· Les risques des travaux forestiers méritent une attention particulière car ceux-ci sont en effet particulièrement dangereux. Les travaux d’abattage, de débardage, d’élagage sont en effet des travaux à hauts risques : ces travaux forestiers comportent une combinaison de risques naturels et de risques liés à l'emploi des machines. Les risques naturels sont liés au caractère accidenté des terrains forestiers et à leur déclivité éventuelle, à la densité des plantations souvent encombrées de broussailles, d’arbres enchevêtrés ou cassés, aux difficultés d’accès, à la visibilité réduite et à la difficulté des conditions climatiques (vent, humidité, brouillard, chaleur ou froid). Les machines et engins forestiers, de par leur fonction même, sont dangereux : le travail à la tronçonneuse en particulier cause chaque année de nombreux accidents parfois mortels. De plus, l’éloignement des centres de secours, du fait du caractère isolé des travaux forestiers, est un facteur aggravant. Les travaux de création et d’entretien d’espaces verts présentent des risques similaires, notamment avec équipements à mains et motorisés rotatifs et coupants (tondeuse, débrousailleuse, taille-haie, motobineuse).
· Les risques générés par les activités de collecte et de tri des déchets sont
nombreux. Or le tonnage de déchets à traiter est en constante augmentation
; par suite, les effectifs de ce secteur croissent corrélativement et les
accidents du travail touchant ces métiers (éboueurs ou ripeurs) aussi :
risques liés à la dangerosité du déchet (biologique et chimique), aux
véhicules utilisés pour la collecte et le transport (manutentions, risque
routier), aux procédés de tri mis en œuvre (opérations manuelles,
expositions au bruit, à des gaz et poussières, …).
· Les agents d’ assainissement et de traitement des eaux usées
chargés d'entretenir les canalisations et les ouvrages qui s'y rapportent
(regards de branchements, siphons...) sous la voirie (égouts) et dans les
stations de relèvement et de pompage, ainsi que ceux assurant le bon
déroulement des opérations et le bon fonctionnement des installations
(vannes, pompes et filtres) permettant l'épuration de l'eau et le
traitement des boues dans les stations, sont soumis à des graves dangers et
intoxications potentiels inhérents à ces métiers :
- risques chimiques, biologiques, liés à l'ensemble de procédés et produits
mis en œuvre.
- risques liés à la nature des expositions physiques et au matériel utilisé
(par exemple moyens mécaniques et hydrauliques haute pression).
- Les chauffeurs routiers sont exposés à de nombreux risques professionnels lors du transport de marchandises, à la fois accidents de la route évidemment mais aussi ceux liés à la manutention de charges lors du chargement et déchargement du véhicule, du bâchage et débâchage, de la chute à la descente de la cabine : troubles dorsolombaires dus aux vibrations et à la station assise prolongée, affections psychosomatiques et cardiovasculaires liées au stress des contraintes de temps, de sécurité et de possibilité de vols et d'agressions de plus en plus fréquente (spécialement pour les conducteurs de véhicules de transport en commun), impact des inhalations fréquentes d'hydrocarbures.
Les conditions de travail (nocturne, week-end et jours fériés, éloignement du domicile…) aggravent les facteurs de risque inhérents à la conduite.
Le secteur d'activité lié aux transports de marchandises se situe juste après celui du BTP, en nombre et en gravité des accidents du travail qu'il entraîne et apparaît donc comme un des secteurs où une prévention des risques doit être particulièrement mise en place. Paradoxalement, plus de 2/3 de ces accidents surviennent lors de camions à l'arrêt, en particulier aux quais de transbordement.
· Les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs du spectacle sont très variés, fréquents et aggravés par des situations dangereuses liées à des lieux de travail souvent temporaires, au caractère inédit de chaque représentation, à un rythme de travail bien spécifique à la profession (horaires irréguliers, travail de nuit...), à la coactivité de différents corps de métiers ...
Enfin, certains métiers comportent une prise de risque physique évidente (cascadeurs, acrobates, dresseurs d'animaux, artificiers...).
- Les métiers sportifs sont évidemment exigeants physiquement : tous les sports recèlent des dangers physiques à la fois spécifiques à leur pratique propre, et communs à l’ensemble des disciplines, dont certains peuvent se révéler mortels : chutes, coups et blessures, troubles musculo-squelettiques et neurologiques, fractures, traumatismes crâniens, noyades, accidents cardio-vasculaires, commotions cérébrales ... La diversité des lieux et des sports impliqués, la multitude et la précarité éventuelle des intervenants (saisonniers, contrats courts ...), des rythmes de travail exigeants, des conditions météorologiques ou de terrain peu compatibles avec les exigences de sécurité, rendent les situations et conditions de travail propres aux métiers du sport difficiles sur le plan sécuritaire.
- Les métiers de la restauration connaissent un fort développement, à la mesure des nouveaux styles ou contraintes de vie qui augmentent la fréquence des repas pris hors domicile : les cuisines des restaurants sont des lieux à risques, en particulier pour des salariés souvent à contrat précaire, jeunes, peu formés et peu expérimentés. Les cuisiniers sont confrontés à des risques liés au process de fabrication des repas (fours, tables de cuisson, chambres froides, outils tranchants, fumées de cuisson, sols glissants, travail debout et penché, nombreuses manutentions manuelles et manipulations répétitives ...) ou à certaines tâches comme la plonge, l'entretien des locaux : brulures thermiques et chimiques, coupures, chutes de plain-pied, troubles musculo-squelettiques (TMS). Les conditions de travail en restauration sont propices à l’augmentation de la charge mentale (horaires importants et irréguliers, travail de nuit, le week-end et les jours fériés, pression lors du « coup de feu » des heures de repas) et sont sources de pathologies psychosomatiques.
- L’hôtellerie , vaste secteur économique dans un pays touristique comme la France, est soumis à une fréquence d’accidents du travail importante.
Des indicateurs tels le taux d’absentéisme, le turn-over élevés indiquent que, au-delà du travail physique astreignant de l’entretien des locaux, des conditions de travail dégradées (cadences, horaires...), la démotivation et la dévalorisation liée à des métiers à faible qualification induisent des risques majorés du fait de leurs impacts psychologiques.
Les agent·e·s qui effectuent des activités de ménage et de nettoyage sont exposé·e·s à de nombreux risques physiques (gestes répétitifs, postures contraignantes, manutention de charges, chutes) et chimiques du fait de l’utilisation de produits d’entretien, mais aussi violences du fait de la proximité de la clientèle hôtelière.
- Les activités médicales et paramédicales (médecins, dentistes, infirmières, aides-soignantes, radiologues, kinésithérapeutes …) sont confrontées à de nombreux risques professionnels, biologiques évidemment (dont l’exposition au sang) du fait de la proximité avec des malades, mais aussi physiques, telles les lombalgies dues à la manipulation de patients alités ou aux postures pénibles lors des soins, chimiques par contact avec des produits et instruments médicaux, ou encore radiologiques (imagerie médicale, radiothérapie).
Les conditions d'exercice des professions des soignant·e·s en maison de retraite sont difficiles, avec de nombreux troubles musculosquelettiques, causés par la pénibilité physique dues à la manipulation constante des personnes âgées pour leur hygiène et leur confort, la manutention du linge, la réfection des lits … Les services d’aide à la personne cumulent ces risques d’assistance aux personnes âgées ou handicapées et d’entretien du domicile dans le cadre d’un travailleur isolé.
Les métiers de la puériculture et de la petite enfance, quasi-exclusivement occupés par des femmes, sont confrontés au risque particulièrement fréquent d’apparition de troubles dorsolombaires et de tendinopathies des membres supérieurs du fait du port et de la manipulation des bébés, et les activités liées aux soins des jeunes enfants exposent au risque de contracter des maladies, d’autant plus graves que, pour la femme enceinte, ces postes exposent à des germes susceptibles de contaminer le fœtus.
L’agression violente (coups, projections d’objets, morsures, griffures, cris, menaces injurieuses..) se rencontre aussi fréquemment dans les services d’urgence et en milieu psychiatrique notamment, ou dans les maisons de retraite avec les personnes atteintes de démence sénile. Ces risques sont aggravés par le travail de nuit ou isolé dans le cas d’un exercice de la profession à domicile.
Les risques des soins vétérinaires sont assez similaires, auxquels s’ajoutent les dangers spécifiques générés par les animaux (contention pour soins et traitements, risque zoonotique) et les interventions dans des lieux d’élevage très variés avec chacun des risques particuliers (fermes, bassins piscicoles, abattoirs, haras, zoos, cirques …).
· Les agressions physiques et verbales au travail par des usagés, clients, patients … proviennent en majorité de situations d’ employés en relation avec le public (ce qui représente plus de la moitié des emplois) et ce type de violence externe au travail constitue un risque important dans un nombre croissant de professions. Les agressions récentes et fréquentes sur les conducteurs de bus, les enseignants, les infirmières, les bijoutiers, les vigiles, les assistantes sociales, les vendeurs, les journalistes … ont alimentées largement les faits divers des différents médias pour bien illustrer la problématique de la prévention tout autant que celle de la répression des actes de violence physique au travail.
Tout contact d’un employé avec le public implique un risque de violence, particulièrement dans les établissement de l’Education Nationale, les services hospitaliers, sociaux et de transport en commun, qui focalisent (comme d’autres services publics) toute l’insatisfaction et les frustrations sociales dont l’Etat et la société sont rendus responsables par certains citoyens.
Certains postes de travail sont plus exposés que d’autres, comme ceux qui sont souvent confrontés à des individus offensants, prédateurs, ou sous l'emprise de l’alcool ou de drogues, qui peuvent insulter ou frapper : surveillance dans les grandes surfaces commerciales ou dans les lieux de grand passage (stations de métro, gares, stades …), ou de nuit dans les milieux festifs (concerts, discothèques). Également, dans les situations de violences de prédation (cambriolages, braquages …) associées à des produits de forte valeur marchande (bijouteries, banques …).
La surexposition aux risques dans les petites entreprises de sous-traitance externe
Les salariés des établissements de moins de 500 salariés sont en moyenne beaucoup plus exposés au risque d’accident du travail (AT). Il s'agit fréquemment de PME qui souvent connaissent mal les règles d'hygiène et de sécurité et n'ont pas de service de prévention ni de CSSCT ; de plus, les tâches confiées à ces entreprises souvent sous-traitantes externes des grandes firmes, sont généralement parmi les plus dangereuses (services d’entretien et de maintenance) et les contraintes importantes de coûts et de délais imposées par les donneurs d'ordre conduisent à négliger chez les sous-traitants les problématiques de santé au travail.
La sécurité au travail s’est nettement améliorée pour le personnel de nombreux grands donneurs d’ordre, par souci de la santé des salariés et du climat social, mais aussi en terme de communication extérieure et d’attrait du milieu professionnel ; mais parallèlement, les enjeux de sécurité sont transférés sur des sous-traitants de taille réduite et de survie économique limite qui n’ont pas les dispositifs, les compétences en santé et de sécurité au travail, et chez qui l’état en la matière est préoccupant.
De nombreuses études montrent que la sous-traitance de services sur site est associée à une dégradation des conditions de travail et de la situation des salariés sous-traitants en matière d’hygiène et de sécurité (fréquence et gravité des AT et MP). Et ce phénomène est probablement sous-estimé, car, dans la sous-traitance, la forte mobilité de l’emploi, la précarité fréquente des statuts, la diversité généralisée des lieux de travail rendent très difficile le suivi des salariés et la traçabilité de leurs expositions aux risques professionnels.
Dans les entreprises de petite taille, beaucoup ne disposent pas de CSSCT ni d'instances représentatives du personnel. Les Services Interentreprises de Santé au Travail ont peu connaissance des postes de travail et des expositions, tant les situations sont diverses et fluctuantes : la prévention des risques professionnels y est moins bien structurée, voire inexistante.
La nature des travaux sous-traités implique des conditions de travail les plus dangereuses et pénibles.
Le personnel d’entretien ou de maintenance par exemple, connait peu ou pas du tout les lieux, effectue des travaux souvent dans des espaces clos, mal éclairés, exigus voire insalubres : ce personnel est fréquemment contraint de travailler en dehors des horaires normaux (travail de nuit, travail de week-end, astreintes...) et se trouve assez souvent dans la situation d’un travailleur isolé. Certains travailleurs opèrent sur des chantiers très éloignés de leur domicile, ce qui représente une contrainte psychologique forte, qui n’est pas sans conséquences sur leur vigilance face aux dangers.
La pression des donneurs d’ordre sur les coûts et les délais impose des rythmes de travail stressants. Dans un contexte fortement concurrentiel et dans une situation de domination du donneur d’ordre qui impose ces exigences, les PME sont contraintes de comprimer les coûts et les délais de leurs interventions, et la pression sur les horaires et sur les rythmes de travail accroissent les risques professionnels.
La surexposition aux risques professionnels des jeunes et des statuts précaires
Les emplois intérimaires, en CDD (Contrats à Durée Déterminée) et saisonniers sont très nombreux dans tous les secteurs économiques et les risques professionnels de ces travailleurs, qui varient évidemment beaucoup selon les tâches effectuées, le profil des individus, ont néanmoins des caractéristiques communes : ils concernent plus fréquemment ce type de travailleur, car les ils sont plus exposés aux risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles du fait de la précarité de cette main d'œuvre, leur manque d'information, de formation et de connaissance des lieux et des procédés qui augmentent ainsi leur vulnérabilité. C’est aussi particulièrement le cas des emplois saisonniers qui sont très nombreux dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de l'agriculture, du tourisme ...
L'intérim (et CDD) a connu un développement important et est toujours en nette progression dans tous les secteurs d'activité : aux besoins liés aux surcroîts de charge occasionnels liés aux fluctuations conjoncturelles de la demande, le recours croissant à l'emploi intérimaire correspond de plus en plus à des facteurs structurels d'évolution de l'organisation du travail, la tendance générale à l'externalisation des tâches, la réponse aux rigidités des contrats à durée indéterminée (CDI).
Cette utilisation massive de l'intérim répond donc à des impératifs économiques puissants et concerne beaucoup les jeunes travailleurs, qui représentent une grande partie des intérimaires, maintenus hors du collectif de travail de l'entreprise, par leur statut, leur rémunération, leur promotion, leur formation, leurs avantages sociaux, leur motivation … et leur sécurité et santé au travail … et les accidents du travail sont plus fréquents parmi les jeunes de 20-29 ans.
La généralisation des emplois précaires est attestée par le fait que désormais environ un quart des actifs ont eu des trajectoires d’emploi marquées par la précarité et que plus des trois quarts des salariés sont nouvellement embauchés en contrat précaire.
De nombreuses enquêtes montrent que l'intérim est associé à une dégradation des conditions de travail et de la situation des salariés intérimaires en matière d'hygiène et de sécurité (doublement de la fréquence et gravité des AT et MP).
En effet, le contexte de travail de l'intérimaire génère de multiples facteurs qui affectent ses conditions de travail et plusieurs raisons expliquent la vulnérabilité supérieure des intérimaires : enchainement de contrats courts, pénibilité et rythme du travail, population souvent précarisée, manque de formation et de connaissance des lieux et des procédés, tâches confiées aux intérimaires souvent parmi les plus dangereuses.
Les travailleurs intérimaires sont placés en situation permanente de nouveaux embauchés.
Ils se trouvent dans une situation de travail qu'ils ne connaissent pas, ce qui les rend plus vulnérables : lieux de travail différents, activité nouvelle, collectif de travail inconnu, habitudes inédites. Par manque d'information, ils risquent d'être exposés à des agents chimiques dangereux ou à des contraintes physiques et organisationnelles qui peuvent être à l'origine d'accidents.
Les situations de travail et d'emploi des salariés intérimaires sont souvent précaires et instables : la précarité pousse à valoriser le fait d'avoir un emploi, quitte à en minimiser les risques, à ne pas revendiquer ses droits, à accepter la sous-déclaration des accidents du travail ; l'instabilité des postes occupés compromet la connaissance exacte des risques encourus et n'incite pas à la formation pour y faire face.
L'enchaînement et la courte durée des différentes missions induit un éparpillement des savoirs individuels de prudence : chaque site industriel comporte, en effet, un certain nombre de risques spécifiques, inhabituels et mal maîtrisés par le personnel intérimaire, y intervenant rarement ou pour la première fois, avec très peu de temps pour découvrir son poste de travail et se familiariser avec son nouvel environnement.
La nature des travaux confiés aux intérimaires implique souvent des conditions de travail les plus dangereuses ou pénibles.
Le personnel intérimaire est amené souvent à effectuer de nombreuses interventions dangereuses : le recours à l'intérim correspond alors à un transfert de risques en les faisant supporter par d'autres travailleurs que ceux de l'entreprise (comme c'est le cas avec le développement de la sous-traitance). Le personnel d'entretien par exemple, connaît peu ou pas du tout les lieux, effectue des travaux souvent dans des espaces clos, mal éclairés, exigus voire insalubres.
Les postes de travail (tâches répétitives ou ingrates …) peuvent aussi être sous-qualifiés par rapport à la compétence du travailleur contraint de les accepter pour avoir un revenu : la démotivation qui en résulte est alors source de risque psychologique.
De nombreuses études montrent également que le travail saisonnier est associée à une dégradation des conditions de travail et de la situation des saisonniers en matière d'hygiène et de sécurité (fréquence et gravité des accidents de travail, notamment les premiers jours d'emploi et en fin de contrat).
Et ce phénomène est probablement sous-estimé, car, la forte mobilité de l'emploi, leur précarité généralisée, la grande diversité des lieux de travail, rendent très difficile le suivi de ces saisonniers et la traçabilité de leurs expositions aux risques professionnels.
Le contexte de travail du saisonnier génère de multiples facteurs qui affectent ses conditions de travail et plusieurs raisons expliquent la vulnérabilité supérieure des saisonniers, notamment pour les saisonniers agricoles (dissémination sur les exploitations, enchainement de contrats courts, pénibilité et rythme du travail, population souvent précarisée).
Les travailleurs saisonniers sont en majorité des étudiants ou des demandeurs d'emplois ayant aucune ou peu d'expérience professionnelle : les gestes et postures adéquates, les notions d'hygiène et sécurité au travail ne leur sont pas du tout familières. A l'absence de conscience des risques, s'ajoute pour les jeunes gens la difficulté à identifier leurs limites et la réticence à demander des informations par manque de confiance en eux ou pour faire bonne impression ou de peur d'apparaître incompétent.
Les évolutions de la notion d’accident du travail
· Désormais, le mal-être au travail constitue une alerte majeure de santé au travail, puisque presque la moitié des arrêts maladie en serait imputable, directement ou indirectement.
Dans un monde professionnel en pleine mutation sociotechnique, les contraintes psychologiques se substituent progressivement aux contraintes physiques traditionnelles. De fait, la santé psychologique au travail est une problématique devenant de plus en plus préoccupante.
En effet, à mesure de la tertiarisation de l'économie d'une part, et de la meilleure prise en compte de la pénibilité physique du travail par les progrès de la mécanisation d'autre part, les problèmes de souffrance psychologique au travail apparaissent de plus en plus impactant la santé au travail, ou les taches intellectuelles et relationnelles deviennent primordiales.
Il est difficile de faire reconnaître les pathologies psychiques comme étant d'origine professionnelle, essentiellement et directement causées par le travail, sans facteurs extraprofessionnels ayant impacté significativement la santé mentale du salarié : si bien que ces syndromes ne sont pas ou très peu répertoriés, et pourtant ils constituent aujourd’hui une part importante et croissante des arrêts de travail et avec une forte disparité selon les emplois, cette fois-ci au détriment des secteurs tertiaires, des professions intermédiaires et des cadres plus soumis au stress managérial et aux risques organisationnels.
- Quatrième révolution industrielle, l’industrie 4.0 est celle de la numérisation complète de moyens de production automatisés, connectés et communicants entre eux, pouvant être pilotés en temps réel et à distance et incorporant de l’intelligence artificielle, avec usage de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée.
L’industrie numérisée et connectée du XXIème vise à la fois une meilleure productivité, qualité, flexibilité, traçabilité, sécurité des opérations de fabrication :
- chaines de montage robotisées, robots collaboratifs (cobots),
exosquelettes délivrant les travailleurs des tâches pénibles et/ou
répétitives, le tout démultipliant la rapidité et l’efficacité opératoires
et évitant l’exposition à des ambiances de travail dangereuses,
- objets connectés portables (wearables) comme les bracelets, casques,
vêtements, trackers d'activités pour le contrôle d'accès, suivi
opérationnel …, pour contrôler l'environnement du travail et s'assurer que
les conditions de sécurité sont respectées. Les objets connectés portables
peuvent détecter les ambiances de travail dangereuses, peuvent mesurer la
pénibilité au travail en étant capables de mesurer les efforts et gestes :
ils peuvent transmettre un signal d'alarme si son utilisateur est en danger
ou excède les limites ergonomiques fixées.
Mais, l’organisation du travail est totalement modifiée par ces transformations de l’ensemble des composantes du process de fabrication (opérateurs, produits et machines) : en particulier, les opérateurs doivent évoluer vers des tâches à plus forte valeur ajoutée. Ainsi, de gros efforts de formation, d’adaptation des travailleurs sont nécessaires face à ces modifications technologiques et organisationnelles profondes et rapides et des mesures doivent être mises en œuvre pour que la prévention des risques professionnels soit prise en compte dans ce nouveau contexte de tâches, métiers, procédures et compétences.
A l’avenir, les cas des travailleurs soumis au travail collaboratif avec des robots, ou porteurs d’exosquelettes ou d’objets connectés pour géolocaliser et surveiller leurs constantes physiques et physiologiques, seront -t-ils de nouveaux critères de différenciation pour les risques professionnels ?
- La violence interne au travail (harcèlements moraux et sexuels, agressions internes …) et ses répercussions sur la santé (atteintes psychosomatiques et cardio-vasculaires) est un phénomène préoccupant et en forte progression. Ils témoignent des pathologies nouvelles qui touchent aujourd'hui toutes les catégories de salariés : on assiste en ce début du 21èm siècle à un déplacement du poids des risques professionnels vers les employés de bureau et les cadres grandement épargnés jusqu’alors. On est passé de la notion de contrainte physique à la notion de contrainte morale induite par le phénomène de domination inhérente à une organisation hiérarchisée et bureaucratisée.
Dans les entreprises, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress. Certaines méthodes de management utilisées aujourd'hui provoquent des risques psychosociaux en augmentation : parmi les troubles psychosociaux professionnels, le burn-out, ou syndrome d’épuisement au travail, entraine un risque d'accident cardio-vasculaire et d’état dépressif très largement documenté, et depuis quelques années, d’autres maladies psychosomatiques liées au travail sont apparues, telles que le bore-out (ennui au travail) et le brown-out (perte de sens au travail). De plus, dans le cas des harcèlements, il n’y a pas de pathologie psychologique spécifique et des troubles paranoïaques (sentiments de persécution imaginaires) ou des menées manipulatrices peuvent invalider l’accusation de la personne se prétendant harcelée, ce qui suppose de réunir une série de preuves concrètes souvent difficiles à obtenir, avec de ce fait, une minoration importante du nombre de déclarations effectives.
· Etant donné que les interventions des systèmes, machines et objets connectés dotés d’Intelligence Artificielle (IA) seront de plus en plus présentes, les enjeux de sécurité vont devenir de plus en plus prégnants, dont la capacité à rester décisionnaire.
Plus difficiles à appréhender, les risques liés à l’IA, sont encore peu connus par manque de recul et d’études, et il existe des lacunes entre les progrès réalisés dans des applications de l’IA et sa large et croissante diffusion dans toutes les industries et la connaissance de leur impact sur la sécurité et santé au travail.
Les préoccupations croissantes des risques de l’Intelligence Artificielle et du Machine Learning en entreprise tient à son intégration dans les machines automatisées et dans le monitoring du travailleur, avec des enjeux juridiques, éthiques, sociaux et réglementaires : l’apparition du technostress, l’exploitation des données personnelles sur les lieux de travail, les dimensions de sécurité et de latitude décisionnelle des interactions entre l’être humain et la machine, la transparence des algorithmes de surveillance etc.
- La multiplication des robots industriels collaboratifs (cobots), qui partagent un même espace de travail en réalisant des travaux avec les opérateurs, et leur adaptation très rapide à un grand nombre de tâches manufacturières ou logistiques, exposent les travailleurs à des risques nouveaux pour leur sécurité, dont les risques liés à l’interaction homme-machine (sentiments de dépendance, de perte d’autonomie et d’identité, excès de charge mentale, ...).
- Les objets connectés portables engendrent aussi des risques professionnels nouveaux plus difficiles à appréhender dont la gestion est complexe et encore incertaine, car certains sont liés aux facteurs humains et à l’analyse comportementale. La fuite de données personnelles et leur exploitation abusive suscite des craintes, mais le développement des objets connectés soulève aussi de nombreuses questions relatives aux facteurs psychologiques d’acceptabilité : crainte d’intrusion dans la vie personnelle et d’atteinte à la vie privée, inquiétude sur la surveillance constante et minutieuse de la présence, des efforts et de la rapidité de travail à seule fin d’accroitre la productivité.
- Le port d'un exosquelette génère de nouvelles contraintes liées à la proximité entre l'homme et le dispositif et à l'acceptation de la dépendance. L'exosquelette induit ainsi des risques dus aux sentiments de perte d'autonomie, de charge mentale supérieure, des risques organisationnels d'exigence de rendement exagérée en cas d'accélération des cadences.
Pour aller plus loin :
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : PRÉCARITÉ DE L'EMPLOI ET RISQUES PROFESSIONNELS : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/precarite-de-lemploi-et-risques-professionnels
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : LA PRÉVENTION DU MAL-ÊTRE AU TRAVAIL : BURN-OUT, BORE-OUT, BROWN-OUT : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-du-mal-etre-au-travail-burn-out-bore-out-brown-out https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-du-mal-etre-au-travail-burn-out-bore-out-brown-out
- OFFICIEL PREVENTION : FORMATION CONSEILS > FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ : LA NOTION DE RISQUE PROFESSIONNEL : https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/la-notion-de-risque-professionnel
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > ERGONOMIE AU POSTE DE TRAVAIL > LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS DE L’INDUSTRIE 4.0 : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-de-travail/la-prevention-des-risques-professionnels-de-lindustrie-4-0
- Tableaux annexes (source : DARES RÉSULTATS N°039, Les accidents du travail, 2016)
- Taux de fréquence AT par million d'heures travaillées
- Champ : salariés du régime général et du régime agricole de la sécurité
sociale, France entière.
- Source : CnamTS – MSA – Insee, calcul Dares 2012
SECTEUR D'ACTIVITE |
Taux de fréquence d'accident du travail |
Construction |
|
Interim |
40,5 |
Héb. méd.-soc. & soc. & ac. soc. ss héb. |
40,0 |
Arts, spectacles & activités récréatives |
35,9 |
Transports et entreposage |
32,9 |
Gestion eau, déchets & dépollution |
29,3 |
Agriculture, sylviculture et pêche |
29,1 |
Travail bois, ind. papier & imprimerie |
27,6 |
Hébergement et restauration |
27,3 |
Fab. aliments, boiss. & prdts base tabac |
26,9 |
Métallurgie & fab. ps mét. sauf machines |
26,4 |
Act. de services administratifs & soutien |
26,1 |
Fab. ps caou., plas., aut. ps mi. non m. |
22,9 |
Aut. ind. manuf.; répa. & inst. de mach. |
21,5 |
Commerce ; répar. automobile & motocycle |
20,4 |
Activités pour la santé humaine |
19,5 |
Industries extractives |
18,8 |
Fabric. de machines & équipements n.c.a. |
18,5 |
Fab. textiles, ind. hab., cuir & chauss. |
15,5 |
Autres activités de services |
14,0 |
Activités immobilières |
13,7 |
Enseignement |
11,9 |
Fabrication d'équipements électriques |
11,2 |
Fabrication de matériels de transport |
11,2 |
Industrie chimique |
10,3 |
Administration publique |
9,8 |
Autres act. spécial., scientif. et tech. |
9,6 |
Industrie pharmaceutique |
9,3 |
Fab. prod. informat., électroniq. & opt. |
5,9 |
Prdn & distr. élec. gaz vap. & air cond. |
5,7 |
Cokéfaction et raffinage |
4,9 |
Télécommunications |
4,5 |
Act. juri., compta., gest., arch., ingé. |
4,0 |
Recherche-développement scientifique |
3,7 |
Édition, audiovisuel et diffusion |
3,6 |
Activités financières et d'assurance |
2,8 |
Act. informatique & services d'information |
2,0 |
TYPE DE METIER |
Taux de fréquence d'accident du travail pour les métiers les plus accidentogènes |
Transports aériens de fret |
109,7 |
Enseignement de disciplines sportives et d'activités de loisirs |
77,5 |
Activités de clubs de sports |
77,4 |
Autres activités liées au sport |
69,3 |
Travaux de charpente |
78,1 |
Travaux de couverture par éléments |
78,2 |
Services de déménagement |
72,8 |
Services de soutien à l'exploitation forestière |
66,9 |
Aide par le travail |
59,0 |
Services d'aménagement paysager |
59,4 |
Travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment |
60,5 |
Travaux de plâtrerie |
59,6 |
Élevage de chevaux et d'autres équidés |
62,8 |
Travaux de menuiserie bois et PVC |
58,6 |
Entreposage et stockage frigorifique |
60,7 |
Fabrication d'emballages en bois |
68,3 |
Travaux de menuiserie métallique et serrurerie |
57,3 |
Imprégnation du bois |
51,6 |
Hébergement médicalisé pour personnes âgées |
52,7 |
Hébergement social pour personnes âgées |
53,8 |
AOUT 2022
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