Le mal-être au travail est un élément très souvent évoqué par des travailleurs de plus en plus nombreux, et effectivement, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress causé par certaines méthodes de management, la mauvaise gestion des ressources humaines et les contraintes organisationnelles ...
Le mal-être au travail est un élément très souvent évoqué par des travailleurs de plus en plus nombreux, et effectivement, de nombreuses enquêtes font état d’une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress causé par certaines méthodes de management, la mauvaise gestion des ressources humaines et les contraintes organisationnelles : ce qui provoque des risques psychosociaux en augmentation, qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise. Parmi les troubles psychosociaux professionnels, le burn-out, ou syndrome d’épuisement au travail, entraine un risque d'accident cardio-vasculaire et d’état dépressif très largement documenté, et depuis quelques années, d’autres maladies psychosomatiques liées au travail sont apparues , telles que le bore-out (ennui au travail) et le brown-out (perte de sens au travail) : les 3 B-out !
Les dégâts de ces troubles psychiques sont de plus en plus évidents et par ailleurs, l’épanouissement au travail et la prise en compte de la satisfaction au travail dans la pratique managériale devient essentielle dans des systèmes organisationnels qui se complexifient et demandent une grande réactivité, pour améliorer la motivation et la fidélisation des salariés, dans une société où la qualité de vie au travail est une valeur croissante.
Les entreprises peuvent réduire les effets toxiques des 3 B-out en valorisant et en reconnaissant le travail des personnes, en agissant sur leur environnement hiérarchique et relationnel et en repensant l'organisation du travail et certaines méthodes de management.
Les composantes du mal-être au travail
Le stress permanent a des effets destructeurs et pathogènes sur les individus qui y sont soumis : la confirmation chez les salariés de la réalité croissante des atteintes à la santé psychique et de ses effets somatiques (maladies cardio-vasculaires, troubles musculosquelettiques TMS, troubles gastro-intestinaux, états d'anxiété et dépressifs…) et celle du rôle des facteurs organisationnels et managériaux dans les entreprises sur le mal-être au travail constituent une alerte majeure de santé au travail, puisque presque la moitié des arrêts maladie en serait imputable, directement ou indirectement.
Les facteurs de stress au travail ont plusieurs origines (violence au travail dont les harcèlements, usure compassionnelle des soignants …), mais c’est le stress managérial et organisationnel qui est responsable du mal-être diffus au travail : il est dû aux méthodes de management, à la gestion des ressources humaines et aux changements d’organisation. Des évolutions organisationnelles fréquentes entraînent souvent une forte déstabilisation, voire une déstructuration des collectifs de soutien social (métier ou fonction).
Les causes qui expliquent la hausse de la fréquence des risques psychosociaux dans certaines entreprises, créant des conditions favorables au développement d’un processus de stress managérial et organisationnel et du mal-être des employés, sont nombreuses :
- exigences accrues à la fois de productivité et de qualité parfois contradictoires,
- objectifs de réductions drastiques et souvent inatteignables des coûts et des délais,
- flexibilité imposée avec des exigences d’horaires ajustés en fonction de la demande et le travail,
- disponibilité constante par le truchement du téléphone ou de l’ordinateur portable,
- restructurations continuelles brouillant sans cesse les repères,
- intensification de la charge mentale due aux nouvelles technologies,
- renvoi à l’individu et non au problème : traitement des situations stressantes par le ressenti (il faut s’adapter personnellement ...) plutôt que par la résolution du problème,
- hypersollicitation, pression temporelle (« juste à temps », « flux tendu », zéro panne, zéro délai, zéro papier, zéro stock et zéro défaut), l’urgence omniprésente,
- contrôles, évaluations et reportings continuels, tatillons, chronophages, inutiles,
- normes imposées irréalistes,
- procédures détaillées envahissantes, inadaptées à chaque situation,
- Etc.
Un mal-être conséquent au travail peut conduire à se trouver soit victime d'épuisement total (burn-out), ou d'ennui continuel (bore-out) ou de quête de sens (brown-out) dans la vie professionnelle, avec son lot de troubles physiques et psychiques.
L’approche et l’étude du mal-être au travail nécessite de disposer d’outils méthodologiques, en proposant plusieurs axes d’analyse dont les croisements sont significatifs d’une situation de travail :
1) L’exigence de qualité de travail qui correspondent au niveau de demande dans l’atteinte d’un objectif, de la complexité, durée et danger du travail à fournir ; en y associant les tâches imprévues et/ou morcelées, les ordres contradictoires, les interruptions de tâches pour en effectuer d’autres plus urgentes, la dépendance vis-à-vis des autres …
2) L’exigence de quantité de travail à fournir avec ses contraintes procédurières et temporelles, les risques physiques, les normes, les rendements ...
3) Le soutien social, instrumental ou émotionnel, dont dispose le travailleur sur son lieu de travail, de la part des collègues et de la hiérarchie, en particulier sur les aspects d’aide morale et de reconnaissance des efforts et des résultats.
4) Le degré d’autonomie qui correspond à la possibilité de choisir les modes opératoires et à la capacité à peser sur les décisions (latitude décisionnelle), à l’utilisation des compétences et qui mesure la possibilité d'épanouissement dans la réalisation de la tâche : liberté d’organisation, marges de manœuvre, diversité des tâches, développement des connaissances, des compétences, créativité…
Les nouvelles formes d’organisation et de management, les nouvelles technologies, la tertiarisation croissante des emplois, une intensification et une densification du travail dans une économie mondialisée et très concurrentielle, renforcent les exigences qualitatives et quantitatives liée au travail dans de nombreux secteurs d’activité.
Si la clarté et l’ambition des objectifs en qualité et quantité sont particulièrement importantes, ceux-ci doivent être néanmoins atteignables, sinon des échecs flagrants et répétés sont démotivants et stressants inutilement. La satisfaction est très liée au sentiment de maîtriser et réussir ce que l’on fait (besoin d’accomplissement de la théorie de Maslow).
A l’intérieur de chaque situation de travail qualité / quantité, vient s’ajouter l’intensité de soutien social qui module l’intensité de la charge mentale : une situation de forte exigence associée à un faible soutien social entraine des conditions de travail particulièrement stressantes, alors que c’est moins le cas si le soutien social est élevé.
Le soutien social au travail, l’aide et la reconnaissance de la part des supérieurs ou des collègues, en diminuant la charge mentale, améliore le bien-être au travail : compte tenu des capacités intellectuelles de l'individu et de l'organisation mise en place dans l'entreprise (technique, administrative), sa satisfaction agit directement sur le poids de la charge mentale qu’il ressent en mobilisant au mieux ses capacités psychiques.
Le degré d'autonomie correspond à la possibilité de choisir les modes opératoires et à la capacité à peser sur les décisions (latitude décisionnelle), à l'utilisation des compétences et mesure la possibilité d'épanouissement dans la réalisation de la tâche : liberté d'organisation, marges de manœuvre, diversité des tâches, créativité, innovation …
Les « facteurs de bien-être » sont donc : le contenu du travail adapté aux capacités physiques et cognitives et à la personnalité, le sentiment d’accomplissement et d'efficacité personnelle et d’estime de soi, la reconnaissance de ses supérieurs et de ses pairs, la progression individuelle, la jouissance d’autonomie et de responsabilité au niveau de celle que l’on est capable d’assumer. Le plaisir ressenti de faire une tache utile et/ou gratifiante diminue sensiblement la charge mentale, même si celle-ci est fortement sollicitée.
Paradoxalement, certaines entreprises prônent l’autonomie et la responsabilité individuelle, sans en fournir la formation ni les moyens, ce qui est ressenti comme un facteur majeur d’agression psychique : sentiment d'inefficacité / d’incompétence / perte de l’estime de soi / doute de la valeur de son travail en comparant les résultats obtenus avec la norme imposée par la hiérarchie.
Repérer et gérer les indicateurs d’alerte de mal-être au travail
- Il faut veiller à l’augmentation de la fréquence et de la gravité des urgences psychiques sur le lieu du travail liées à des incidents conflictuels (actes de violence, bouffées délirantes, tentative de suicide ...), de l’aggravation des indicateurs de santé négatifs (TMS - troubles cardio-vasculaires, dépression ...), hausse du taux d ’absentéisme, du turn-over.
- Avoir une démarche d’analyse des symptômes, repérer les déterminants pour remonter aux causes organisationnelles et ne pas adopter une attitude de déni : mise en évidence des situations qui dépassent les capacités d’adaptation des individus, recherche objective d’un facteur psychologique ou sociologique ou économique auquel est associé, de façon significative et importante, un certain nombre de problèmes de santé mentale.
- Le CSSCT peut proposer d’effectuer une enquête de psycho-dynamique du travail auprès du personnel pour étudier les déterminants de la souffrance générée par le travail lorsque les symptômes apparaissent au vu des indicateurs d’alerte.
- La formation des médecins du travail qui sont en première ligne au sujet de la santé psychique : fourniture d’outils d’analyse appropriés, amélioration de l’écoute de la souffrance, manières de collaborer étroitement avec l’encadrement dans l’entreprise sur ce sujet. Le médecin du travail peut alors jouer un rôle considérable d’engagement de l’entreprise dans la prévention des risques psychosociaux.
- La constitution de groupes de travail dédiés à la prévention du mal-être au travail : l’importance et la nécessité de la multidisciplinarité à la fois dans la recherche et dans l’action passe par la construction d’un réseau associant DRH, chefs de services et d’ateliers, médecins et psychologues du travail, ergonomes, délégués du personnel, membres du CSSCT ...
Le burn-out
Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, est lié à une surcharge continuelle de travail, avec un déséquilibre apparaissant entre la pression supportée du fait de cette charge de travail et les ressources individuelles du travailleur (réelles ou perçues) : le burn-out marque une rupture, succédant à une longue étape de surmenage, avec décompression. Il est avivé par la disproportion avérée ou ressentie de plusieurs facteurs relatifs au faible soutien par rapport au fort effort consenti : faible reconnaissance par rapport au fort engagement, faible latitude de décision par rapport au fort volume de travail …
Le burn-out se traduit par un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation de la relation à l’autre, un sentiment d’échec professionnel et une incapacité partielle ou totale à accomplir son travail.
Le burn-out conduit à des troubles physiques (maladies cardio-vasculaires, migraines, perte d’appétit ou troubles digestifs, fatigue musculaire, maux de dos…) accompagnés de troubles psychiques (anxiété, d’insomnie, pertes de mémoire, irritabilité …). Ce syndrome déclenche un stress chronique et possiblement une dépression majeure qui, dans ses formes extrêmes, mène au « karoshi japonais», mort subite au travail par crise cardiaque, accident vasculaire cérébral (AVC) ou suicide à la suite d'une surcharge prolongée et excessive de travail.
- Les nouvelles formes de travail peuvent favoriser le burn-out
Les efforts permanents d'accomplissements de tâches de traitement d'informations, mais aussi les pressions psychologiques liées aux exigences de rapidité, délais de réponse, les sollicitations constantes en temps réel que permettent les Technologies de l'Information et de la Communication TIC, génèrent une forte contrainte psychique. L'intensification de la charge mentale est induite par ces nouvelles formes de travail et par les TIC, qui imposent une vigilance accrue et constante, les yeux rivés sur l'écran pour ouvrir les multiples messages électroniques et y répondre immédiatement même sans caractère urgent ou consulter les derniers reportings, rapports ou incidents de l'entreprise.
De plus, ces outils permettent un nomadisme accru du travail, une disponibilité constante par le truchement du téléphone ou de l'ordinateur portable, avec éventuellement une surveillance sophistiquée et pernicieuse des salariés par surveillance régulière à distance (géolocalisation) : les employés peuvent travailler et se faire solliciter dans les transports en commun, à leur domicile le soir ou le week-end au détriment de leur vie privée et de leur temps de repos. Le blurring (abolition des frontières entre vie professionnelle et privée) se complète aussi par le mélange des plages de travail et de vacance (phénomène de weisure = work + leisure), qui conduit ainsi à un enchainement ininterrompu de stress, même sur le lieu de vacances, au bord de la piscine ou sur la piste de ski ! Finalement, les travailleurs peuvent être ainsi amenés à travailler au détriment de leur vie privée et de leur temps de repos, avec des plages horaires excessives, ce qui entraîne des situations de stress. Les horaires de travail plus souples peuvent aisément finir par empiéter sur la vie privée et le souci légitime de contrôle du manager peut devenir excessif, avec également la fixation d'objectifs inatteignables et /ou peu clairs. De nombreux éléments mettent en évidence les effets pathogènes de la surcharge mentale du blurring : le stress, le workaholisme et l'épuisement professionnel (burn-out) sont les conséquences néfastes des surcharges mentales. Une véritable addiction au travail, le workaholisme (par analogie au work alcoholism), ne penser qu'au travail et fuir les autres aspects de la vie, a un rapport de dépendance aux TIC : cela correspond à un investissement excessif dans son travail et à une négligence de sa vie extraprofessionnelle, addiction comportementale dont certains facteurs de risque peuvent être liés à l'organisation du travail et au blurring., avec un risque d'évolution vers un syndrome d'épuisement professionnel (burn-out). Le workaholique ressent une pression interne le contraignant à travailler, une angoisse de ne pas travailler. D'autres addictions s'associent souvent au workaholisme comme l'alcoolisme, le tabagisme, la consommation excessive de substances psychotropes médicamenteuses (antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères) ou de stupéfiants. Cette psychopathologie doit être distinguée de la situation d'une personne passionnée par son travail, avec un fort investissement personnel gratifiant, qui subit certes une forte exigence au travail, en intensité, complexité, mais qui est compensée par une rémunération importante et/ou par une grande autonomie et/ou un soutien social élevé, ou pour un métier ressenti comme une vocation (enseignement, médico-social, chercheurs, artistes …) : cela peut mener néanmoins à une intensité du travail excessive, au burn-out, en se rapprochant du comportement workaholique si le lâcher prise n'est plus possible. - Les trois dimensions du burn-out
- l’épuisement émotionnel : fatigue ressentie à l’idée même du travail, grand sentiment de culpabilité en s’estimant être incapable, fautif, en ne parvenant pas à remplir sa mission et/ou à satisfaire sa hiérarchie. Le redoublement d’effort, la quête de toujours plus et mieux faire conduisent à un cercle vicieux, avec effondrement de l’estime de soi.
- la dépersonnalisation de la relation à l’autre et la perte d’empathie : exclusion progressive du salarié de la vie sociale professionnelle, puis familiale et amicale par diminution de la capacité à gérer la relation aux autres, du fait du ressentiment profond d’échec personnel. L’impression de culpabilité conduit à l’évitement des contacts sociaux et au repli sur soi-même, parfois renforcé avec des attitudes exagérément négatives à l’égard des collègues, des supérieurs hiérarchiques …
- l’effondrement de l’accomplissement personnel au travail : non seulement la personne s’évalue négativement, doute de ses réelles compétences, mais elle ne s’attribue aucune capacité à faire évoluer la situation, ni ne cherche vraiment à obtenir du soutien et/ou à remettre en cause son environnement professionnel. Ces effets démotivants d’une situation pénible, répétitive, mènent à l’échec permanent malgré les efforts.
Le Test de Maslach (Burn-out Inventory : MBI test) avec 22 items permet d’ explorer ces 3 dimensions du burn-out. - Les mesures spécifiques de prévention du burn-out
Les réponses organisationnelles sont liées en partie au profil de chacun et au type de travail. - Le « droit à la déconnexion » , entré en vigueur en 2017, vise à « assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale » : en dehors de plages horaires de travail hors astreinte liée à la sécurité, négocié avec les partenaires sociaux, il fait partie des mesures de prévention du burn-out.
Il faut établir une garantie que les TIC ne seront pas utilisées en dehors des objectifs qui leur sont assignés et des restrictions explicitées, par exemple pour surveiller les connexions Internet, les messages, les localisations. La rédaction d'une charte en commun, résultat d'un dialogue avec le personnel et leurs représentants, favorise l'appropriation par tous les acteurs de l'entreprise des bons usages, un suivi qualité et une observation de leur appropriation.
- La charge et le rythme de travail
Aider à prendre du recul et à réfléchir en permanence sur la façon d'agir par une formation à la gestion du temps de travail : optimiser un agenda, savoir hiérarchiser les priorités et répondre à de multiples demandes en parallèle, prévoir des périodes de pauses réelles et déconnectées, des journées off ….
- Le style de management
La fixation d'objectifs doit être réaliste et surtout le résultat d'un dialogue incluant les moyens pour y parvenir, tenant compte en particulier de l'évolution des contraintes extérieures (conjoncture économique, actions de la concurrence, …) sur lesquelles le travailleur ne peut pas avoir d'action, déterminé à partir des éléments sous sa responsabilité effective : en effet, ne jamais atteindre ses objectifs non seulement démobilise, ce qui est le contraire du but recherché, mais aussi peut, chez certaines personnes plus fragiles, faire naître des sentiments intenses d'infériorité, de mésestime de soi, qui peuvent engendrer le workaholisme pour faire face et une dépression.
Le bien-être au travail dépend largement du style de management : les feedbacks positifs et négatifs émis par le manager dans l’exercice de son autorité ont des impacts tout à fait différents : une personne, grâce à l’estime et la reconnaissance qu’on lui porte, sera beaucoup plus motivée, et par suite satisfaite de son travail. La surveillance et le contrôle du salarié, assortis de systèmes de punition sanctionnant le relâchement de l’effort soumet les salariés à un stress important, facteur d’improductivité plus que de motivation à bien faire.
Par contre, l'utilité de complimenter les collaborateurs pour un travail bien exécuté, un projet mené à son terme avec efficience est très grande pour développer la motivation et la satisfaction au travail. Un salarié qui se sent apprécié est plus motivé (Besoins d’estime de soi et des autres de Maslow).
- La conciliation vie professionnelle - vie privée
La conciliation vie professionnelle - vie privée permet de gérer efficacement les multiples responsabilités du salarié au travail, dans son foyer et dans sa communauté, tout en maintenant sa bonne santé physique et psychologique.
Il s’agit de créer de la souplesse dans les rythmes et les structures de travail et de proposer des services aux salariés. Des politiques de travail plus souples nécessitent en contrepartie plus de contrôle négocié et accepté par les employés et les responsables hiérarchiques, ce qui alimente le dialogue social et la coopération des partenaires.
Ces politiques ne peuvent pas être uniformes et elles doivent pouvoir s’adapter aux besoins de chaque catégorie de personnel et selon les moments de l’existence (congés spécifiques pour les événements de la vie familiale, congés sabbatiques, télétravail, temps partiel choisi...).
Les souplesses peuvent porter sur la durée, les horaires et les lieux de travail : ces flexibilités supposent des moyens de gestion des temps de travail et de communication performants, par exemple pour la technologie qui permettra à un employé de travailler partiellement à domicile (télétravail) pour éviter de longs temps de transport.
Le bore-out
A l’exact opposé du burn-out, le bore-out se définit non comme un surmenage lié à un excès de travail, mais au contraire, comme un profond ennui lié à une sous-charge quantitative et qualitative provoquant une insatisfaction personnelle d’être payé à ne presque rien faire et entrainant une souffrance psychologique due à la frustration de se sentir inutile et dévalorisé professionnellement, ou d’être un simple bouche-trou pour les quelques taches rébarbatives qui sont confiées : cette situation professionnelle subie longtemps génère un sentiment de forte dévalorisation sociale, de perte d’estime de soi et une culpabilité de travailler au ralenti. Culpabilité avivée par le fait que se plaindre d’ennui au travail et en parler autour de soi n’est pas facile en période de chômage de masse ; ce qui contribue à l’isolement ! Il faut donc aussi dissimuler la réalité, donner l’impression d’être occupé, étirer dans le temps le peu de tâches à effectuer …
Les causes de la présence de nombreux postes sous-chargés (jusqu’à 20 % selon certaines estimations) sont multiples, à la fois dans les services publics mais aussi dans les grandes entreprises privées ou les critères de rentabilité devraient pourtant fortement limiter le phénomène !
- Les grandes administrations et les collectivités territoriales recrutent souvent pour « respecter le budget alloué », voire par clientélisme, plutôt que pour répondre à de réels besoins pérennes.
- Les grandes entreprises qui ont un fonctionnement de type bureaucratique suscitent la routine et sont pratiquement toujours en difficulté d’adéquations et de réaffectations des postes, avec notamment l’apparition de doublons, quand elles sont confrontées à l'exigence de transformations, et c'est particulièrement le cas des administrations publiques.
- Le processus de changement organisationnel d’adaptation des structures des entreprises aux évolutions internes ou externes, génère souvent des réductions de postes sans réductions concomitantes des effectifs par suite des contraintes sociales.
- La « mise au placard » ou « placardisation », avoir de moins en moins de travail et/ou des tâches de plus en plus ennuyeuses ou répétitives, est le fait d’une entreprise qui met volontairement à l’écart un ou des salariés à la suite d’une réorganisation interne pour pousser à la démission. Il s’agit d’une forme de harcèlement moral.
La symptomatologie physique et psychique entre le burn-out et le bore-out se ressemble, avec des degrés généralement moins élevés pour le bore-out, mais également diffère sur certains aspects : l’épuisement est moindre pour le bore-out, mais avec des ruminations mentales incessantes sur son sort et un sentiment d’inutilité mais pas d’échec comme dans le burn-out, fréquemment accompagnés de conduites addictives (tabac, alcool, médicaments, drogue).
La loi oblige l’employeur à respecter les tâches et qualifications stipulées dans le contrat de travail d’un employé qui reçoit en échange un salaire. Si le bore-out, sous-charger abusivement le salarié quantitativement et/ou qualitativement en déqualifiant volontairement son poste, est reconnu comme une forme de harcèlement moral, le bore-out peut être condamné : fournir un travail est une obligation contractuelle à la charge de l’employeur, sinon, il y a un manquement grave en cas de manœuvre caractérisée et consciente pour obtenir une démission sans prime de licenciement, ou de menée manipulatrice à l’encontre d’un salarié pour l’intimider ou l’humilier. Le harcèlement moral d’une pratique de mise à l’écart est caractérisé par le fait d’être maintenu dans une relation de travail sans se voir confier de réelles tâches ou par le fait de se voir affecter seulement à des travaux subalternes ne correspondant à sa qualification, avec pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé physique et mentale (jurisprudence prud’hommale).
Le brown-out
Le brown-out correspond au sentiment d'effectuer des tâches dont on ne comprend ni le sens, ni la finalité, sans qu’il y ait ni sous-charge ni surcharge évidente : ce n’est pas la quantité de travail qui est concernée, mais son intérêt. Les travaux demandés ne sont pas vraiment sous-qualifiés, mais ils sont jugés insignifiants, inutiles voire absurdes et une perte d’intérêt et de motivation s’installe progressivement avec un sentiment généralisé de mal-être au travail.
Certaines professions et postes sont plus exposés que d’autres, les cadres et les jeunes universitaires, notamment les postes pour lesquels l’employé est recruté selon son diplôme, mais manque de tâches stimulantes à accomplir, par le cantonnement à des tâches administratives et de contrôle superflues, sans jamais utiliser toutes ces compétences et connaissances. Les emplois administratifs, gestionnaires, les nombreux niveaux hiérarchiques et fonctionnels transversaux dans les grandes structures bureaucratiques complexifiées de l’économie moderne, sont concernés par ce mal-être organisationnel. Un manque d'autonomie et de responsabilisation des collaborateurs des échelons intermédiaires et inférieurs, un contrôle tatillon, sont liés à ces formes de structure pyramidale et à ces types de management « staff and line ».
Le brown-out est apparu concomitamment à la description des « bullshit jobs », ces fameux « boulots de merde » ou « jobs à la con » de l’anthropologue David Graeber (2013 et 2018) : « C’est une forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien ». « Les personnes qui font ces jobs font souvent état de symptômes de dépression, d'anxiété… Leur niveau de souffrance a l’air considérable. Un des symptômes qui ressort de nombreux rapports fiables, ce sont les maladies psychosomatiques. ». Selon lui, un des moteurs de l’existence de ces « bullshit jobs » (en contradiction avec la recherche de rentabilité) est la « féodalité managériale », qui consiste, pour un employeur, à étendre la surface de son pouvoir en développant, et donc en complexifiant la structure de subordination dans le but d’élever son statut de grand chef entouré de « larbins », « faire-valoir », « sbires », « petits chefs » etc. De plus, les changements organisationnels liés aux luttes de pouvoir entre dirigeants (constitution / destruction des « fiefs », des « baronnies » …) sont difficiles à supporter pour de très nombreux employés qui sont ballotés d’une structure à l’autre et sont démotivés car ils ne se sentent pas du tout concernés par les enjeux personnels des managers, auxquels malgré tout ils sont contraints de s’adapter avec difficulté et sans intérêt évident pour l’entreprise.
Les postes de chargé d’études, chargé de mission, coordonnateur de projet, … dénotent souvent une absence d’étude, de mission ou de projet utile. Les procédures, normes, rapports, tableaux de bord, graphiques et statistiques s’empilent dans les armoires sans que personne ne songe à les consulter et encore moins à les utiliser : leurs conclusions ou recommandations, si tant est qu’elles soient formulées, sont ignorées ou sont destinées à ne pas être appliquées. Ces nombreux postes ou travaux aux contenus vagues et flous, non seulement socialement inutiles, mais aussi non valorisants et chronophages, induisent au salarié le sentiment de ne servir à rien.
• Les mesures spécifiques de prévention du brown-out
Les besoins de sens du travail progressent à la fois du fait d'un individualisme croissant, et du fait de l'élévation générale du niveau d'études pour la plupart des employés : le caporalisme, la présence d'une hiérarchie dans une organisation et des procédures rigides, sont de plus en plus mal acceptés par les jeunes générations, et nuisent à l'obtention d'une satisfaction et d'une motivation au travail. Le plaisir ressenti de faire une tache utile et/ou gratifiante sur un plan intellectuel, le sentiment d'accomplissement dans un travail adapté à ses capacités et à sa personnalité, le sentiment d'efficacité personnelle et d'estime de soi, améliorent le bien-être au travail et libèrent l’énergie.
De nouveaux modes d'organisation et de management tendent à favoriser la responsabilité et l'autonomie des collaborateurs par un fonctionnement plus horizontal en limitant la hiérarchie et les attributions et positions de pouvoir.
Les nouvelles formes d'organisation du travail veulent éviter la frustration des collaborateurs qui cherchent à mettre du sens dans leurs actions, en accordant plus d'autonomie, et donc de confiance, en supprimant les contrôles inutiles et le poids de la hiérarchie, les règles et consignes qui entravent la liberté d'action.
Les pratiques liées à l'organisation du travail, les types d'organisation et de contrôle doivent donc évoluer vers plus d'autonomie au travail des salariés, pour augmenter leur responsabilité et esprit d'initiative : un nouveau management doit utiliser un mode d'animation et de conduite des individus et des équipes qui suscite leur engagement et leur contribution à l'innovation permanente et au progrès des performances de l'entreprise. En cohérence avec les objectifs de l'entreprise, il doit s'appuyer sur la prise en compte des attentes et des aspirations des membres du personnel et favoriser leur motivation. L'autonomie opérationnelle attribuée aux collaborateurs leur est dévolue, en échange de l'engagement à atteindre des objectifs dont ils deviennent responsables.
C’est la tendance générale de l'entreprise « libérée » de faire évoluer les modes de management en donnant beaucoup d'autonomie et de responsabilité aux collaborateurs, d'alléger sensiblement les processus de décisions, en réduisant la ligne hiérarchique de tout ou partie de l'encadrement intermédiaire et en limitant les fonctions support et de contrôle : le système de gouvernance redistribue l'autorité et les prises de décisions au travers de groupes de projet. Le manager devient animateur et facilitateur, pour accompagner et motiver ses équipes, tout en développant les compétences avec la formation nécessaire aux équipiers.
Le travail collaboratif, s’appuyant sur plateformes participatives faisant participer l'ensemble des collaborateurs, modifie complètement les relations en faisant passer les organisations pyramidales en second plan, et promeut la compétence, l'ouverture et la transparence. C'est tout le système hiérarchique qui devient petit à petit obsolète ainsi que les signes extérieurs de pouvoir et qui doit évoluer et s'adapter aux mentalités. L'information circule de moins en moins de façon pyramidale du haut vers les bas du cadre supérieur, aux cadres, puis aux employés, mais horizontalement incluant les collaborateurs de façon pluridirectionnelle en les intégrant dans des projets collectifs. Le manager se doit d'adapter son leadership et sa façon de gérer ses équipes en travail collaboratif multi-métiers.
Pour aller plus loin :
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : La prévention du stress au travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-du-stress-au-travail-266
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : L'amélioration de la qualité de vie au travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/lamelioration-de-la-qualite-de-vie-au-travail
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : La prévention des risques des nouvelles formes de travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-des-risques-des-nouvelles-formes-de-travail
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : La prévention des risques psychosociaux des changements d'organisation du travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-des-risques-psychosociaux-des-changements-dorganisation-du-travail
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > LOGICIELS & APPLICATIONS DE SÉCURITÉ : LE TRAVAIL COLLABORATIF : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/logiciels-applications-de-securite/le-travail-collaboratif
- OFFICIEL PREVENTION : FORMATION CONSEILS > FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ > CONDITIONS DE TRAVAIL ET SATISFACTION AU TRAVAIL : https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/conditions-de-travail-et-satisfaction-au-travail
MAI 2021
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