Mesurer la sécurité
L'époque est à la mesure, à l'évaluation, au contrôle, au tableau de bord et au reporting. Aucun secteur de l'activité, privée comme publique, ne semble, au nom du principe de performance, épargné par cette vague déferlante.
Cette dynamique semble se justifier dans un souci, ô combien méritoire, de modernisation des pratiques et des métiers. Ainsi, des outils et des méthodes apparaissent et essaiment afin d'accroître l'information disponible pour les managers et d'améliorer leur connaissance des systèmes sociotechniques qu'ils ont pour certains conçus et pour d'autres à gérer au quotidien. Cette préoccupation, devenue la plupart du temps une exigence, n'est pas récente. Remercions là les pères de la science économique moderne, dont – pour ne citer que lui – Adam Smith, qui en inventant la « division du travail » dans un souci d'amélioration de la production, nous ont laissé au passage des outils, et non des moindres, de mesurage des processus et des activités, qui se sont avec le temps très largement modernisés tout en restant fondamentalement ancrés dans leur conception originelle.
Cette généralisation des pratiques en matière de mesure, de contrôle et d'évaluation des processus sécurité contribue-t-elle à une amélioration significative des résultats sécurité ?
La prévention des risques n'échappe bien évidemment pas à cette tendance, qui s'est franchement installée au sein des grandes entreprises. Notons qu'en la matière, les objets de la mesure ne manquent pas et ce, d'autant plus que l'on se fixe des objectifs particulièrement ambitieux tels que le « zéro accident ». Légitimement (voire légalement) tout devient prétexte à la mesure et au contrôle : le respect ou pas des procédures, le port ou pas des EPI, le nombre d'accidents de travail, de presqueaccidents, d'incidents, de jours de formation... La question est de savoir si cet engouement et cette généralisation des pratiques en matière de mesure, de contrôle et d'évaluation des processus sécurité contribuent à une amélioration significative des résultats sécurité, dès lors que l'on se soit accordé sur la définition même d'un résultat sécurité et que les dispositifs mis en oeuvre se révèlent pertinent et efficient. Cette question dépasse largement le cadre de la prévention. C'est la raison pour laquelle les revues RSE et Sociologies pratiques (Presses de Sciences Po) se sont associées dans le cadre d'une matinée débat, sur le thème « Ficher et mesurer le travail : le paradoxe du contrôle » (7 septembre 2011).
Un numéro1 de Sociologies pratiques est tout spécialement consacré à ce sujet.
Les articles réunis dans ce numéro mettent en évidence que ces outils de gestion ne relèvent pas exclusivement d'une logique de rationalité absolue. En révélant des reconfigurations institutionnelles, des effets inattendus et parfois même contre-productifs, ils questionnent les présupposés attachés au fichage et au contrôle. Bonne lecture !
1. Ficher et mesurer – Les paradoxes du contrôle. Coordonné par Christian Mouhanna, Sociologies pratiques, Presses de Science Po, n° 22, septembre 2011.
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