Les vagues de pandémie de la Covid-19 ont des effets collatéraux dans les entreprises déjà avérés ou potentiels dans le proche avenir, dans les domaines sanitaire et économique évidemment mais aussi sur le plan psychologique.
Le risque infectieux peut être particulièrement élevé dans les milieux confinés de travail : dans le cas d’une épidémie ou d’une pandémie, une maladie grave facilement transmissible (grippe, COVID-19, …) peut entraîner des complications de santé chez un grand nombre de travailleurs et peut générer un absentéisme très important, voire des décès, nuisant aussi sérieusement à la vie économique de l’entreprise.
Le respect de strictes règles d’hygiène, de protection individuelle et une organisation du travail adaptée permet de limiter le risque épidémique ou pandémique au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, l’apparition de multiples contraintes individuelles et collectives dues aux mesures de prévention et de protection, la survenue d’infections se produisant au sein de l'entreprise, peuvent faire émerger un réel climat d'angoisse, des tensions psychologiques qu’il est nécessaire d’anticiper au même titre que le risque infectieux : la concertation et la participation de tous les acteurs sont indispensables, en faisant appel non seulement aux DRH, aux médecins et aux infirmiers des services de santé au travail mais aussi aux membres du CSE.
Les décisions managériales pour gérer cette crise ne peuvent pas être dictées par un principe de précaution absolue dans le domaine sanitaire au détriment des autres dimensions, de façon à rester valables en termes de cohérence, de pertinence et d’acceptation par le personnel et une gestion des risques de cette pandémie efficiente doit être menée dans ce but.
Une approche basée sur la gestion des risques multidisciplinaire et participative est profitable dans ce contexte de crise sanitaire, en veillant à une communication adéquate afin de favoriser son acceptation par le personnel : le décideur qui maîtrise toutes les dimensions de la décision est irréaliste et une confiance excessive peut cacher des mesures inefficaces dans la protection contre le risque épidémique. Seule une stratégie globale de gestion des risques, bien maîtrisée au moyen d’un projet aboutissant à des plans d’actions concertés, et régulièrement actualisée avec une communication dédiée, permet de gérer la prévention sanitaire dans l’entreprise et d’en assurer la pérennité.
Caractéristiques du risque épidémique dans l’entreprise
Avec des sources de souillure biologique multiples, les conditions de travail dans les locaux industriels, commerciaux et tertiaires plus ou moins confinés et à plus ou moins grande fréquentation, les moyens de transport, les chantiers, les établissements scolaires, hospitaliers, culturels, administratifs ou de divertissement, les bâtiments publics …, sont particulièrement propices aux contaminations du personnel en cas d’épidémie ou de pandémie.
Un risque professionnel est un événement dont l’occurrence met en danger des personnes dans le cadre de l’exercice de leur métier. Les événements probables qui peuvent entraîner un dommage, ici la contamination des employés par le virus, conduisent à des risques souvent connus, mais ils sont incertains, surtout pour les effets conjugués, dont la combinaison peut aboutir à un très grand nombre de possibilités et de conséquences : les mesures de prévention ou de maîtrise des dangers afférents nécessite d’établir des priorités dépendant de leur criticité.
La représentation traditionnelle du risque identifie les sources de dangers et les classe en fonction de leur fréquence et de leur gravité, permettant de déterminer cette criticité : c’est une matrice à deux dimensions probabilité × conséquences, c’est à dire présence à la fois d'un aléa et d'un enjeu.
La part de l’imprévisibilité peut être réduite d’abord part une meilleure connaissance des processus qui engendrent ces risques et ensuite par une étude de leur partie aléatoire : déterminer les facteurs de risque qui agissent sur le danger en augmentant la fréquence et/ou la gravité d'un phénomène aux effets néfastes.
La gestion du risque pandémique dépend alors une démarche qui consiste à identifier, prévenir et réduire les risques qui peuvent surgir dans le cadre des activités de l’entreprise, en en diminuant soit la fréquence (probabilité d’occurrence), soit l’impact nuisible (gravité qualitative ou quantitative), soit en agissant sur les deux composantes.
Identifier et évaluer les risques sanitaires dans l’entreprise
La représentation traditionnelle du risque identifie les sources de dangers et les note en fonction de leur fréquence (occurrence probable) et de leur gravité (conséquences).
Ces critères « fréquence (F) et gravité (G)» (valeur de l’aléa, mesurant la vulnérabilité) sont souvent évalués chacun sur une échelle de 1 à 4, qui multipliés, donnent un niveau de criticité (chiffre allant donc de 1 à 16), ce qui permet de classifier et attribuer une priorité de traitement du risque. La fréquence dépend, entre autres éléments, de la durée d’exposition au risque, qui entraîne une probabilité d’apparition d’un dommage généralement croissante avec elle. La gravité dépend de la nature des lésions corporelles et du nombre de personnes subissant le dommage.
L'appréciation des différents critères sur les deux facettes est le plus souvent assez subjective : c’est pourquoi, il convient d’utiliser une méthode participative d’un réseau d’acteurs, qui vise à obtenir une description la plus objective des risques en mettant en commun plusieurs avis, en se limitant à la recherche des faits en excluant les jugements, en se basant sur un travail de groupe qui dépassionne l’analyse et la rend consensuelle, au-delà des polémiques et des opinions de chacun.
Les 4 classes de gravité des risques peuvent être interprétées comme : très sévères, sévères, faibles, très faibles. A noter que, pour une infection virale, le nombre de jours d’arrêt de travail en résultant, le taux d’invalidité éventuel des contaminés, le nombre de décès constituent des éléments de quantification. Les effets irréversibles sont nécessairement classés au moins comme sévères.
Les 4 classes de fréquence des risques (pour une durée donnée, annuellement par exemple) peuvent être choisies par tranche de probabilité (exemple : <1%, 1 à 5%, 5 à 10%, >10%) et interprétées comme : rares, assez rares, fréquentes, très fréquentes.
Finalement, on peut regrouper aussi les risques en 4 classes dont celle que l’on peut qualifier d’intolérable (risques très fréquents ou fréquents et très sévères ou sévères, généralement une catégorie peu nombreuse) pour laquelle l’attention et les mesures de prévention doivent être maximales, avec éventuelle suspension de l’activité le temps de leur mise en œuvre, et celle qu’on peut qualifier de marginale (risques rares ou assez rares et peu graves ou très peu graves) que l’on peut négliger dans un premier temps. Entre ces deux extrêmes, figurent les risques modérés en fréquence ou en gravité, qui sont les plus nombreux, pour lesquels il convient de mettre en œuvre un plan ou un projet de réduction des risques conduisant à des plans d’action.
Les approches de prise de décision
Certains épisodes de la vie au travail peuvent s’avérer très traumatisants pour les collaborateurs et affecter le bon fonctionnement de l’entreprise : la contamination virale massive des employés accompagnée éventuellement de formes graves de la maladie en fait partie !
Lors d’une confrontation à un sérieux événement traumatique, la crise qui en résulte affecte l’entreprise dans son ensemble et peut engendrer des désordres organisationnels, psychologiques et sociaux nuisant à une rapide et efficace remise en état de marche normale de l’exploitation.
La mise en place d’un dispositif de gestion de crise est alors essentielle, c'est-à-dire un plan d’actions et de communication adapté pour limiter les impacts émotionnels, prendre en charge l’accompagnement des salariés en souffrance avec une structure de soutien psychologique et faciliter la reprise d’activité.
Un événement traumatogène est un événement brutal, soudain et inattendu, lié à des émotions fortes (anxiété, angoisse, peur, affolement, colère) confrontant les victimes ou témoins de façon directe ou indirecte avec la mort ou avec une atteinte sérieuse à l'intégrité physique et psychique.
La notion de crise peut être définie comme l’arrivée de ces évènements traumatiques, déstabilisants, brutaux et imprévisibles, qui bouleversent le collectif de travail et son équilibre : les expériences et comportements habituels du contexte normatif disparaissent et causent des moments de stupeur, d’incertitude totale, de désarroi voire de panique. En laissant des vides organisationnels dus aux routines qui deviennent inopérantes, la crise génère une situation instable particulièrement difficile à piloter car les difficultés rencontrées perturbent les décideurs qui n’ont plus de cadre de référence sur lequel s’appuyer.
La crise entraine de sérieuses incidences au sein d’une entreprise : elle déstabilise une organisation car elle marque une rupture avec son fonctionnement habituel et la place dans une zone d’incertitudes fortes. D’importants bouleversements à court et moyen terme peuvent s’ensuivre dont les symptômes les plus fréquents sont l’absentéisme, la démotivation, la désorganisation du travail qui procurent souvent aux collaborateurs fortement touchés un sentiment d’insécurité, d’épuisement professionnel pouvant augmenter les risques de dépression et de troubles psychosomatiques suite à un état post de stress post-traumatique.
Le concept de crise est une notion fortement liée à la perception des acteurs concernés : une crise mineure peut se transformer ou pas en crise majeure selon la résilience de l’organisation, c’est à dire sa capacité à absorber plus ou moins facilement une perturbation. L’interprétation que les cadres et employés se font de la crise et leur représentation de celle-ci, ont des conséquences sur la crise qui s’auto-amplifie (cercle vicieux) ou s’affaiblit (cercle vertueux) selon l’influence des facteurs humains en jeu.
Il y a un phénomène de croissance et d’amplification des crises en entreprise, quelles que soient l’activité et la taille, car les seuils de perception d’une crise ont évolué, l’aversion grandissante au risque affaiblissant le niveau d’acceptabilité des dangers encourus.
D’autre part, Il faut bien prendre en compte que culturellement et techniquement, le management est mal préparé à gérer des situations très peu probables, qui n’arriveront presque jamais dans leur vie professionnelle : cela accentue les effets des crises lorsqu’elles se déclenchent car les dirigeants n’ont pas les compétences et l’expérience pour appréhender les enjeux.
Une pratique managériale participative et une organisation non pathogène visant à prévenir et gérer cette crise au travail, à respecter les exigences émotionnelles des employés (reconnaissance, soutien social …), à éliminer les mauvaises ambiances organisationnelles de travail induites, conditionnent le développement de la résilience de l’entreprise. Une posture appréciative des équipes, l’accroissement du niveau de confiance, une formation aux techniques de coping, le coaching individuel et d’équipe, la bonne conduite du changement, font partie des mécanismes essentiels permettant à l’organisation et à ses membres de faire face à l’adversité et de devenir ainsi plus résiliente.
Par ailleurs, le développement de l'autonomie, de la flexibilité mentale, de la réactivité du groupe, des aptitudes à l'innovation, permettent de gérer au mieux les changements imprévus et/ou majeurs en s'adaptant rapidement pour garantir une continuité dans l'organisation de la communauté, en trouvant des solutions nouvelles hors des procédures ou modes d’action habituels (la mise en œuvre dans les hôpitaux de capacités de réanimation rapide et massive hors de toute routine en est un exemple).
Un projet de prévention de la propagation de l’épidémie dans l’entreprise s’inscrit dans une cette dynamique qui requiert de la pédagogie, une démarche participative et collaborative. Il s’agit de rendre les salariés de l’entreprise conscients des enjeux et acteurs, de susciter un nouvel état d'esprit dans l'entreprise partagé par la plus grande partie du personnel, face à un enjeu consensuel ressenti comme important, l’élimination ou la réduction des risques de la pandémie : le projet d'entreprise résulte d’une démarche destinée au personnel qui a pour but de le motiver, d'assurer sa cohésion, et vise à mobiliser les énergies de tous vers un objectif commun.
Les mécanismes de la résilience organisationnelle
L’extension de la notion de résilience dans le domaine de la psychologie sociale est pertinente : la résilience d’un groupe de travail est sa capacité à surmonter les obstacles, à s’adapter aux changements imposés par l’environnement, à continuer à fonctionner après un traumatisme social : une organisation résiliente diminue ou évite les situations de souffrance au travail de ses membres en apportant des réponses à tous les stresseurs professionnels affectant l’entreprise. Cette bonne résilience au travail maintient la cohésion du groupe, la cohérence des efforts de l’équipe, apaise les tensions interpersonnelles et les réactions agressives générées par les conditions adverses, en trouvant les moyens de faire face efficacement et en mobilisant au mieux les ressources individuelles et collectives. Bien souvent, la survie économique de l’entreprise à court ou moyen terme dépend de ses atouts de résilience : les performances réduites, les mauvaises décisions, les incohérences dans les actions, les erreurs d’exécution, la surexcitation ou au contraire l’apathie et la démotivation des employés et des cadres sont les conséquences d’une entreprise peu résiliente en situation d’adversité.
La résilience communautaire en œuvre dans un contexte de travail est l’aptitude à surmonter les chocs, puis à les intégrer : or, l’entreprise n’est pas à l’abri d’une vague épidémique. Une bonne résilience des équipes pour répondre au risque sanitaire est impérative, pour maîtriser l’adaptation de l’entreprise à un changement d’organisation ou de système de gestion. Une faible résilience entraine une intensification excessive de la charge mentale induite par exemple par l’adaptation rapide au télétravail. L’immobilisme et la rigidité sociale qui résultent d’une faible résilience entrepreneuriale sont des handicaps qui peuvent alors être difficiles à surmonter.
Ces facteurs déclencheurs de changement créent aussi souvent une véritable rupture, car il y a remise en cause de la manière d’agir du personnel et de l’encadrement concerné : anxiété, sentiment de perte des repères, de savoir-faire ou de pouvoir sont la rançon d’une entreprise peu résiliente.
Dans tous les cas, la résilience d’une organisation et de ses collaborateurs, est un de ses facteurs clé de succès, ou tout simplement de survie : une entreprise résiliente permet de gérer au mieux les résistances naturelles au changement qui s'opèrent.
Différentes formes de résistances au changement peuvent être observées : la résistance larvée par inertie, la procrastination remettant toujours à plus tard la mise en œuvre, la révolte enfin cherchant à lutter contre, voire à saboter, le projet de changement : d’une manière générale, cela entraine une souffrance au travail et l’accroissement des risques psycho-sociaux.
En milieu de travail, la résilience individuelle qui permet de minimiser la souffrance au travail et de surmonter les épreuves professionnelles est intimement liée à la résilience du groupe qui assure le soutien social au travers des relations sociales et professionnelles : reconnaissance du travail, respect, écoute, considération des collègues et de la hiérarchie, information, dialogue social et participation aux décisions, tous ses aspects apportent une confiance et estime de soi permettant de diminuer l’anxiété, l’accablement, l’épuisement engendrés par les échecs, les erreurs, les difficultés relationnelles. Par ailleurs, le développement de l'autonomie, de la flexibilité mentale, de la réactivité du groupe, des aptitudes à l'innovation, permettent de gérer au mieux les changements imprévus et/ou majeurs en s'adaptant rapidement pour garantir une continuité dans l'organisation de la communauté, en trouvant des solutions nouvelles hors des procédures ou modes d’action habituels.
- Un management participatif et positif
Un mode de management basé sur la mobilisation des opérateurs et employés pour rechercher l'efficacité dans la détection et la résolution de problèmes, est à la base d’une bonne résilience au travail : l’attitude managériale basée sur la participation laisse une autonomie dans la prise d'initiatives essentielle en situation d’adversité. L'état d’esprit et les comportements des managers disposés à laisser leurs subordonnés s’exprimer et prendre des initiatives, leur qualité d'écoute, sont indispensables pour développer la résilience. A défaut, il faut envisager de renouveler les structures hiérarchiques trop autoritaires, strictement attachées aux décisions par voie descendante (top-down) et totalement rétives à l’inverse (bottom-up). La confiance est au cœur des enjeux personnels et organisationnels liés à la résilience. La résilience résulte de la confiance qu'a un individu concernant sa capacité d'accomplir sa tâche même perturbée par un événement (sentiment d'efficacité personnelle, estime de soi).
Le management participatif est un mode d’animation et de conduite des individus et des équipes qui suscite leur engagement et leur contribution à l’innovation permanente et au progrès de la résilience de l’entreprise. - Un leadership favorisant la résilience
L’influence du leader sur ses collaborateurs est primordiale en situation d’adversité ou de changement et la qualité du leadership est l’une des ressources essentielle à la résilience du groupe de travail.
Les attitudes émotionnelles favorisant un mode de leadership « absorbeur d’anxiété » sont des ressources importantes pour développer la résilience. Il s’agit de disposer ou former les managers d’un point de vue comportemental afin de s’assurer d’une forte capacité de résilience. En effet, l’anxiété du chef dans des conditions adverses se transmet facilement à ses collaborateurs qui s’aperçoivent de son manque de lucidité, de vision sur les solutions à trouver : ordres contradictoires, exigences irréalistes, passivité ou agressivité, attitudes accusatrices, ce qui est ressenti comme un facteur majeur d’agression psychique : sentiments d'inefficacité / d’incompétence / perte de l’estime de soi / doute de la valeur de son travail en comparant les résultats obtenus avec ce qui est imposé par la hiérarchie.
La mise en œuvre d’un projet de prévention de la pandémie dans l’entreprise
Un projet d’entreprise décrit une mission que s’assigne l’entreprise, définit le plan d’action à mettre en œuvre pour la mener à bien : le projet a pour vocation de donner un dessein et de guider l'action face à un enjeu majeur, en fédérant le personnel de l’entreprise, suscitant le désir d'agir ensemble de manière cohérente.
Dans le cas d’une pandémie, le projet peut être déterminé par une réaction face à des indicateurs d’alerte tels une augmentation de la fréquence et de la gravité des infections : le projet doit alors être mené avec une certaine urgence, souvent dans un climat social dégradé et/ou sous la contrainte de revendications. Dans un climat généralement tendu et passionnel, le lancement d’un projet est susceptible de créer des espaces de dialogue pour favoriser la compréhension et trouver des solutions.
Mais le projet peut aussi être mené de manière proactive, résultant du choix des dirigeants : il s’agit souvent d’impulser, d’organiser et de maîtriser l’adaptation de l’entreprise aux risques. Le projet d'entreprise est alors un levier de motivation face aux évolutions et constitue un outil permettant à la fois d'amoindrir la réticence au changement et de prévenir les risques, en précisant les axes d'actions prioritaires et les moyens retenus, en fixant des objectifs clairs, partagés et mobilisateurs, et en allouant des ressources en vue de la prévention.
Les facteurs-clé de succès du projet reposent sur les qualités suivantes :
- Disposer de données factuelles, repousser les opinions toutes faites, viser à l’appropriation des solutions sur une base rationnelle structurée et documentée, éloigner la charge affective et/ou émotionnelle de risques qui contribue à brouiller la compréhension mutuelle : il faut éviter les opinions simplistes ayant un caractère d’évidence menant à des mesures dérisoires ou vaines, il faut se méfier d’une opinion majoritaire ou exprimée véhémentement ou pathétiquement qui n’est pas nécessairement juste, il faut chercher à prendre en compte tous les facteurs, les éléments, les influences qui expliquent les différents risques, déterminent leurs natures, leurs relations, leurs occurrences et leurs conséquences. Plus les données sont lacunaires, parcellaires et peu fiables, plus les décisions de prévention des risques sont arbitraires et inefficaces. Toutefois, il convient d’éviter la profusion de données inhibant l’utilisation de celles qui sont réellement significatives.
- Permettre l'adhésion et la coopération active des acteurs de l'entreprise : beaucoup de décisions managériales privilégient une démarche de réalisation de changement explicité sous forme d’exigence. Même en veillant au préalable à son acceptation, ceci explique bon nombre d’échecs d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail, car cela néglige la compréhension et l’appropriation par les acteurs qui auront à les mettre en œuvre. Convaincre de la nécessité de changer et de s'engager dans un processus de changement nécessite l’organisation de réunions de mobilisation et/ou création d'ateliers de réflexion mettant en avant la situation problématique actuelle, les opportunités d'amélioration et surtout les avantages attendus pour les équipes. Ces démarches participatives privilégient le brainstorming, le travail en groupe et l'action collective et misent sur l'influence mutuelle entre les personnes.
- Connaître les directives et les meilleures réalisations dans des activités similaires à l’extérieur, ce qui requiert un effort de documentation et d'analyse. Le repli sur soi est très fréquent dans les entreprises, générant parfois une culture d'infaillibilité : l’organisation croit avoir des compétences en matière de prévention des risques professionnels excellentes, sans qu’aucun benchmarking ne l’atteste.
Le déroulement d’un projet comporte trois étapes : le lancement et la constitution d’une équipe animée par un chef de projet, l’évaluation de l’existant et la recherche des meilleures pratiques, l’élaboration des solutions avec des plans d’action. A la fin de chaque étape, un Comité de Pilotage du projet évalue et valide les analyses et les propositions au cours de réunions formelles avec l’équipe.
Une approche systémique de la prévention des risques considère tout l’environnement de l’accident étudié et cherche à déterminer quelles défenses techniques, humaines et organisationnelles vont permettre d’éviter cet évènement indésirable (et a posteriori, pourquoi et comment cela n’a pas été le cas).
La survenue d’un accident dans un système (ici la contamination d’une personne) est le résultat d’un très grand nombre de combinaisons d’événements indésirables possibles qui se succèdent : il s’agit de diminuer la probabilité d’occurrence de l’accident en multipliant et renforçant toutes les barrières techniques, humaines et organisationnelles et en minimisant le nombre et la taille des erreurs latentes du système.
Dans le cas du milieu de travail, selon la nature des activités professionnelles et des comportements d’hygiène, les travailleurs peuvent être exposés aux agents biologiques notamment par inhalation par voie respiratoire jusqu’aux alvéoles pulmonaires.
La prévention de la transmission du virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de la COVID-19, illustre ce modèle . Il s’agit de prévenir et éliminer la contagion par un virus respiratoire, qui se transmet très facilement, au moyen d’une meilleure compréhension de la succession défensive de barrières érigées pour empêcher la propagation du SRAS-CoV-2. Parmi les moyens utilisés, une méthode d'influence des comportements, le « nudge » (coup de pouce) qui est une incitation comportementale déclenchant chez les individus un choix sécuritaire sans totalement les contraindre.
La réduction des risques suppose de définir les plaques de défense, les plus nombreuses possibles afin d’ offrir une meilleure chance de prévenir la transmission du virus qui provoque la COVID-19. Puis d’examiner les « trous » potentiels dans ces plaques de protection afin d’éviter qu’ils apparaissent ou de les boucher. S’ils devaient persister, la succession de plusieurs trous alignés dans chaque plaque permet au virus de passer et à la fin de pouvoir être inhalé pour contaminer une personne.
Par exemple (liste non exhaustive) :
- 1ère plaque : distanciation physique en milieu clos
o Trous, lorsque la promiscuité est obligée dans :
Transport en commun (trains, autobus, avions, bateaux ...).
Salles de réunion.
Bureaux en open space.
Ateliers ou autres lieux de travail confinés.
Restaurants d’entreprise.
Lieux publics clos (salons, …).
L’interdiction totale de certains lieux publics clos, ou limitation du temps à l'intérieur des locaux, ou baisse du nombre de participants à un évènement par une jauge imposée de présence, l’adoption du télétravail sont des actions qui participent à renforcer cette plaque en diminuant le nombre de trous et/ou leur taille. La nécessité de l’aération des locaux, de la ventilation, de la filtration de l'air; permet de boucher tout ou partie de ces trous pour lutter contre un virus transmis aussi par aérosol. - 2ème plaque : port d’un masque respiratoire
o Trous lors du port du masque :
Non conforme à la norme.
Mal porté (mal ajusté, sous le nez …).
Usagé.
Par exemple, une personne dans une réunion (1ère plaque de défense franchie) risque fort de s’infecter par voie aérienne s’ il y a un « trou » dans la 2ème plaque, masque non ou mal porté par elle ou par un autre collègue contaminé. D’autres « gestes barrières » sont du même type : lavage des mains avec du gel hydroalcoolique, pour lutter cette fois contre la contamination manuportée. - 3ème plaque : Limitation des déplacements dans des lieux très fréquentés
o Trous lors des déplacements :
Croiser longtemps et souvent des personnes malades.
Rencontrer des personnes non civiques (pas de port du masque, toux ou éternument intempestifs, pas de respect de la distanciation …).
Ici, ce sont les grands nombres de petits « trous » qui augmentent les chances du virus de passer au travers de la plaque de défense. - 4ème plaque : Identification des employés malades et des cas contact et les isoler pour casser la chaine de contamination
o Trous lors du « tester , tracer, isoler »
Tests imparfaits (faux négatifs, mauvais prélèvements …).
Beaucoup de malades asymptomatiques ou paucisymptomatiques (qui ne réalisent pas qu’ils peuvent être contagieux).
Traçage incomplet (refus de collaborer, impossibilité matérielle de contacter une multitude de cas, non chargement massif de l’application TousAntiCovid …).
Isolement insuffisant, trop court, voire absent.
Quarantaine des retours des pays à haut risque sanitaire non décidée et/ou non respectée. - 7ème plaque : Information / Communication
o Trous :
Biais de perception : Biais de normalisation du danger (ce n’est pas si grave), Biais d’évidence (il n’y a qu’ à …), Biais de l’autruche (ignorer les problèmes) …
Fake news : complot international, destin inexorable apocalyptique, vaccins avec grandes morbidité et létalité cachées etc., médicaments miracle non utilisés …
Critiques acerbes incessantes et non constructives de certains employés affaiblissant l’appropriation et la discipline collectives.
La désinformation agit comme une redoutable tarière creusant de multiples et gros trous dans chaque plaque de défense : la défiance induite et ressentie par le personne vis-à-vis de l’autorité managériale du fait de la désinformation ou de la propagande politicienne est vraiment nuisible à l’adhésion aux messages de prévention. - 8ème plaque : Vaccination et « passe sanitaire »
o Trous lors de la vaccination
Lenteur du processus, à répéter si nécessité de rappel (avec déperdition de volontariat).
Partie du personnel ne voulant pas se faire vacciner ou ne le pouvant pas (contre-indications).
Vaccins non efficaces à 100%.
Apparition de virus mutants contournant l’immunité vaccinale et diminuant la fiabilité de la protection.
Les modalités d’intervention post-traumatique en entreprise
Permettre aux équipes de retrouver rapidement leurs capacités de travail, prévenir les troubles psychosociaux du personnel, préserver le climat social et l’image de marque sont les objectifs d’une gestion de crise en entreprise.
Pour empêcher ou résoudre la crise potentielle suite à un événement traumatisant pour l'organisation de travail, il convient de mettre en place un plan d’actions et de communication adapté. Le traitement d’une telle situation demande à l’entreprise une forte capacité réactive et une prise de décision rapide et pertinente de la part d’un encadrement préparé à y faire face.
Il convient de prendre les mesures de prévention adaptées aux circonstances et d’éviter les erreurs afin de ne pas renforcer la crise. L’accomplissement de ces tâches sera largement facilité et donc plus efficace si l’entreprise a défini préalablement une procédure à mettre en œuvre.
Dans la perspective de conduite de la gestion d’une crise, il est essentiel que la gestion de crise intègre notamment :
- une formation adaptée des personnes qui doivent avoir les compétences, l’expérience et une bonne connaissance des différents dispositifs existants pour y répondre, - des conseils à l’encadrement (sensibilisation à l’accompagnement des salariés en souffrance, préconisations).
- des entraînements et des exercices pour que des acteurs très différents apprennent à travailler ensemble en amont d’une crise potentielle.
Dès le début de la crise, la mise en place d’une cellule de crise regroupant le DRH, le médecin et l’assistante sociale du travail, éventuellement un psychologue extérieur (coaching de crise), des membres du CHSCT, les managers de proximité, apporte un soutien multifonctionnel à même de restaurer la capacité de dialogue et de coordination d’actions dans l’environnement personnel et de travail des individus traumatisés. Cette cellule de crise devra être capable de lancer et de développer des actions simultanées, en se répartissant les tâches à accomplir en urgence. La cellule de crise doit rendre compte périodiquement du suivi de ces actions tant à la DG qu’aux représentants du personnel.
Une prise en compte précoce des traumatisés permet de limiter les conséquences du traumatisme en assurant sur le terrain un premier soutien émotionnel et psychologique dans l'immédiat (defusing psychologique).
Puis, un debriefing psychologique individuel et/ou de groupe regroupe des interventions visant à réduire la prévalence des troubles émotionnels (permettre d’exprimer les émotions puis amener à accomplir, par la réflexion et le soutien, une démarche de compréhension). Dans le debriefing collectif, il convient d’essayer de recentrer les émotions sur le contexte du travail, ce qui fait sens pour le groupe et représente un moyen de rompre le sentiment d’isolement et d’évacuer, avec écoute et soutien compétent, les fortes émotions collectives avec liberté de parole.
Une communication adaptée, tant en interne qu'en externe, est un enjeu fort pour bien gérer la crise pour ne pas provoquer en plus de vives réactions en raison de propos ou d’écrits mal maitrisés (déni, minoration ou exagération maladroites, compassion insuffisante ou surjouée, fuite devant les responsabilités, débat technique et juridique compliqué masquant la dimension humaine tragique…).
Prendre acte de la gravité de ce qui vient de se passer, sans banaliser ni exagérer le drame, établir une description sobre des circonstances de survenance, garantir une analyse approfondie pour en tirer les enseignements, véhiculer un sentiment crédible de soutien et de reconnaissance émanant de la direction, figurent parmi les principaux éléments d’une communication réussie de crise en entreprise.
Ensuite, une méthode d’analyse a posteriori de l’accident doit être faite ultérieurement, pour en obtenir une description objective, reconstituer le processus accidentel, en identifiant tous les facteurs et leurs relations ayant concouru à sa survenance, de façon à proposer des mesures de prévention pour qu’il ne se reproduise pas. L'analyse d'un accident repose sur un travail de groupe, pour ouvrir le dialogue entre toutes les personnes concernées (victimes, témoins, encadrement, responsables HSE, représentants du personnel) et dépassionner le débat pour rechercher les causes objectives et profondes de l'accident et trouver des solutions communes et partagées à chacune de ces causes.
Enfin, réaliser un bilan de la gestion de la crise passée permet aussi de surmonter définitivement la crise dans un souci de résilience alimentant le retour d'expérience. Le retour d’expérience est une composante fondamentale de la gestion des risques, car l’analyse méthodique des dysfonctionnements et imperfections du déroulement de la gestion de la crise permet d’ajuster en conséquence et de prendre des mesures qui permettent de réaliser les corrections et améliorations, de réviser les pratiques et procédures de sécurité du travail, afin de réduire les travers observés et d’améliorer toute la chaîne de prévention.
Pour aller plus loin :
• OFFICIEL-PREVENTION : SANTÉ HYGIÈNE SST , SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL , RÉGLEMENTATIONS : LES MESURES DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DU PERSONNEL EN CAS DE PANDÉMIE (COVID 19 ETC ...) :
https://www.officiel-prevention.com/dossier/sante-hygiene-medecine-du-travail-sst/service-de-sante-au-travail-reglementations/les-mesures-de-prevention-et-de-protection-du-personnel-en-cas-de-pandemie-covid-19-etc
• OFFICIEL-PREVENTION : FORMATION CONSEILS , FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ : APPLICATION DE LA MÉTHODE DU « FROMAGE SUISSE » ET DU NUDGING À LA PRÉVENTION DE LA PANDÉMIE COVID-19 :
https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/application-de-la-methode-du-fromage-suisse-et-du-nudging-a-la-prevention-de-la-pandemie-covid-19
• OFFICIEL-PREVENTION : FORMATION CONSEILS , FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ : LES PROJETS D'ENTREPRISE D'AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL :
https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/les-projets-dentreprise-damelioration-de-la-securite-et-des-conditions-de-travail
• OFFICIEL-PREVENTION : FORMATION CONSEILS , FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ : LA NOTION DE RISQUE PROFESSIONNEL :
https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/la-notion-de-risque-professionnel
• OFFICIEL-PREVENTION : FORMATION CONSEILS , FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ : LA GESTION DE CRISE D'UN ÉVÉNEMENT TRAUMATIQUE EN ENTREPRISE :
https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/la-gestion-de-crise-dun-evenement-traumatique-en-entreprise
Novembre 2021
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